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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/355

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THUCYDIDE, LIV. VI.

jusqu’à l’isthme, entretenant des intelligences avec les Béotiens : il parut donc que ce corps d’armée arrivait par suite de conventions avec Alcibiade, et non pour les Béotiens, et que, si, sur les indices reçus, on n’eût pas prévenu le malheur en arrêtant les personnes dénoncées, Athènes eût été livrée. On passa même une certaine nuit en armes dans la ville. Les hôtes qu’Alcibiade avait à Argos, furent soupçonnés de complots contre la démocratie, et, par suite de ces soupçons, les Athéniens livrèrent au peuple d’Argos, pour les faire mourir, les otages argiens déposés dans des îles. De tous côtés les soupçons enveloppèrent Alcibiade. Dans l’intention de le punir de mort, on envoya, comme nous l’avons dit, la galère Salaminienne en Sicile le mander, lui et tous ceux qui étaient dénoncés. L’ordre était, non de l’arrêter, mais de lui signifier qu’il eût à suivre cette galère pour venir se justifier. On usait de ménagemens, de peur d’exciter des mouvemens dans les armées qui étaient en Sicile, soit celle d’Athènes, soit celle des ennemis : mais surtout on voulait que les Mantinéens et les Argiens demeurassent, et l’on attribuait à leur attachement pour Alcibiade la part qu’ils prenaient à cette expédition.

Alcibiade monta donc sur son vaisseau, lui et les autres prévenus ; et ils partirent de la Sicile à la suite de la Salaminienne, comme pour se rendre à Athènes ; mais, arrivés à Thurium, ils cessèrent de la suivre, débarquèrent et disparurent, craignant, d’après d’aussi violentes accusations, d’aborder à Athènes et de s’y mettre en justice. Les gens de la Salaminienne cherchèrent quelque temps Alcibiade et ses compagnons ; mais, ne les ayant pas trouvés, ils se rembarquèrent promptement. Alcibiade, dès-lors banni, passa bientôt après, sur un petit bâtiment, de la campagne de Thurium dans le Péloponnèse ; les Athéniens le condamnèrent à mort par contumace, lui et ceux qui l’accompagnaient.

Chap. 62. Après le départ d’Alcibiade, les généraux qui restaient en Sicile, ayant formé deux divisions qu’ils se partagèrent par la voie du sort, mirent en mer, avec toutes leurs forces, pour Sélinonte et Égeste. Ils voulaient savoir si les Égestains leur donneraient cet argent tant promis, observer la situation de Sélinonte, et s’instruire des différends de cette ville avec Égeste. Ils suivirent les sinuosités de la côte, ayant la Sicile à gauche, du côté qui regarde le golfe de Tyrrhénie, et arrivèrent, en ralentissant leur marche, vers Himère, la seule ville hellénique qui soit dans cette partie de l’île. N’y ayant pas été reçus, ils prirent dans leur paraple Hyccares, place maritime de la Sicanie et ennemie des Égestains, et, après l’avoir réduite en servitude, la remirent à ceux d’Égeste, dont la cavalerie les avait secondés ; puis, traversant le pays des Sicules, ils revinrent par terre à Catane, tandis que les vaisseaux tournaient le nord de la Sicile, emmenant leurs prisonniers en esclavage. Quant à Nicias, il fit sans délai le paraple d’Hyccares à Égeste, y conféra sur divers objets, reçut trente talens, rejoignit l’armée, vendit les prisonniers, dont il tira cent vingt talens. La vente faite, Nicias et ses collègues se rendirent, en tournant l’île, chez les alliés des Sicules, et les pressèrent d’envoyer des troupes ; avec la moitié de leurs forces, ils marchèrent contre Hybla Caléotis [ou Mégares], place ennemie qu’on ne put forcer. Alors l’été finissait.

Chap. 63. Dès le commencement de l’hiver qui lui succéda, les Athéniens se préparèrent à marcher contre Syracuses. Les Syracusains, de leur côté, se disposaient à s’avancer contre eux. Ils