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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/357

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THUCYDIDE, LIV. VI.

poste qui les rendait maîtres, par sa situation, d’attaquer quand ils voudraient, et où la cavalerie ennemie ne pourrait les incommoder, ni pendant, ni avant l’action. En effet, d’un côté ils étaient flanqués de murs, de maisons, d’arbres et d’un marais ; et de l’autre, de lieux escarpés. Ils coupèrent des arbres dans les forêts voisines, les portèrent sur le bord de la mer, et plantèrent des palissades auprès de leurs vaisseaux ainsi que sur la rive du port Dascon. Aux endroits où la descente était plus facile, ils avaient élevé à la hâte des fortifications en pierres brutes et en bois, et rompu le pont de l’Anapus. Personne, tant qu’ils furent occupés de ces préparatifs, ne sortait de la ville pour y mettre obstacle ; mais enfin parurent les cavaliers syracusains, que bientôt suivit l’infanterie tout entière. Ces troupes réunies s’avancèrent d’abord très près de l’armée athénienne ; mais, voyant qu’on ne venait pas au devant d’elles, elles firent retraite, traversèrent la voie Hélorine, et bivouaquèrent.

Chap. 67. Le lendemain, les Athéniens et leurs alliés se préparèrent au combat et se rangèrent ainsi : les Argiens et les Mantinéens avaient l’aile droite ; les Athéniens, le centre ; le reste des alliés, l’aile gauche. La moitié de leur armée, placée en avant, était sur huit de profondeur ; l’autre moitié, placée près des tentes, et pareillement sur huit de profondeur, formait un carré long, et avait ordre d’observer sur quels points l’armée souffrirait, pour y porter du renfort. Les porte-bagages étaient couverts par ce corps de réserve. Les généraux syracusains rangèrent, sur seize hommes de hauteur, et les hoplites, tous Syracusains, sans distinction ni de dignités ni d’âge, et ce qu’ils avaient d’alliés fidèles. On comptait parmi ces auxiliaires d’abord les Sélinontins, ensuite les cavaliers de Géla, au nombre en tout de deux cents ; environ vingt cavaliers et cinquante archers de Camarine. Ils placèrent sur la droite la cavalerie, qui n’avait pas moins de douze cents hommes, et près d’elle les gens de trait. Au moment où les Athéniens allaient attaquer, Nicias passa successivement devant les troupes des différentes villes, et anima leur courage à peu près en ces termes :

Chap. 68. « Est-il besoin d’adresser un long discours à des hommes qu’anime un même intérêt ? Vos forces me semblent plus propres à donner de la confiance, que ne le seraient de belles paroles avec une armée faible. Ici se trouvent des guerriers d’Argos, de Mantinée, d’Athènes, les plus belliqueux d’entre les insulaires ; et comment, avec de tels alliés, et si nombreux, ne pas compter sur la victoire, surtout quand on ne nous oppose que des gens ramassés au hasard, des gens qui ne sont pas, comme nous, l’élite de la patrie, et, pour dire encore plus, des Siciliens, qui croient n’avoir pas à nous redouter, et qui ne tiendront pas contre nous, parce qu’ils ont moins d’habileté que de présomption ? Songez aussi que vous êtes loin de votre pays, et que vous n’aurez de terrain à vous que celui que vous emporterez par la force des armes. Nos ennemis, j’en suis sûr, s’animent entre eux en se rappelant qu’ils vont combattre au sein de la patrie et pour leurs foyers : et moi je vous représente au contraire que ce n’est point dans votre patrie que vous combattrez ; qu’il faut vous rendre maîtres de cette terre, ou que vous n’en sortirez que difficilement, car vous serez accablés par une formidable cavalerie. Enflammés par le souvenir de vos exploits, attaquez vivement vos adversaires, et croyez que la nécessité qui vous presse [que l’extrême