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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/363

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THUCYDIDE, LIV. VI.

des, nous eûmes acquis une marine, nous repoussâmes la domination et le commandement des Lacédémoniens, parce qu’il ne leur appartenait pas plus de nous commander qu’à nous de leur donner des ordres ; j’en excepterai le temps où ils furent les plus forts. Reconnus pour chefs des peuples auparavant soumis au grand roi, si nous avons pris sur eux la prééminence, c’est que, pour nous soustraire à la domination du Péloponnèse, il fallait avoir une force capable de lui résister. Et, à dire vrai, ce n’est pas injustement que nous avons réduit ces Ioniens, ces insulaires, que les Syracusains nous reprochent d’avoir asservis quoiqu’ils eussent avec nous une même origine. Ils s’étaient armés avec le Mède contre la mère patrie, contre nous ; ils n’avaient pas osé détruire leurs propriétés, comme nous, qui avions abandonné notre ville. Après avoir d’eux-mêmes choisi la servitude, ils voulaient nous imposer le même joug.

Chap. 83. » D’après ces considérations, si nous avons l’empire, certes, nous en sommes dignes ; nous que les Hellènes ont vus fournir, avec un zèle à toute épreuve, le plus grand nombre de vaisseaux ; nous qui avons eu à souffrir même de la part des Ioniens, qui prostituaient aux Mèdes une affection qu’ils nous devaient ; nous qui ne voulions nous rendre redoutables qu’aux seuls peuples du Péloponnèse. Nous ne recourrons pas à de vains discours pour montrer que nous avons un droit acquis au commandement, soit pour avoir seuls détruit les barbares, soit pour avoir bravé les dangers plus encore pour la liberté de ces Ioniens que pour celle de tous les Hellènes et pour la nôtre : or on ne peut blâmer un peuple, de pourvoir au salut de peuples qui ne lui sont pas étrangers. Aujourd’hui, c’est pour notre sûreté que nous sommes venus en Sicile, et nous voyons que nos intérêts sont les vôtres. Nous le démontrons et par les calomnies mêmes de ces députés, et par les idées de défiance qu’ils vous inspirent et qui excitent principalement vos craintes. Nous le savons, au milieu des alarmes et des soupçons, on peut au premier moment être séduit par un discours flatteur ; mais ensuite, lorsqu’il est question d’agir, on finit par faire ce qui est utile : en effet, c’est par crainte que nous nous sommes saisis de la domination sur l’Hellade ; par le même sentiment nous venons établir en Sicile, avec l’aide de nos amis, l’ordre qui convient à notre sûreté, non pour les asservir, mais pour les soustraire à la servitude.

Chap. 84. » Et qu’on n’objecte pas qu’il ne nous appartenait point de nous montrer vos défenseurs. Si vous subsistez, si vous n’êtes pas trop faibles pour résister aux Syracusains, ils seront moins en état d’envoyer des forces aux Péloponnésiens, et par là de nous nuire : et c’est ainsi que vos intérêts et les nôtres se trouvent étroitement liés. Il nous importe, par la même raison, de rétablir les Léontins, non pour les réduire à la condition de sujets, comme les Chalcidiens de l’Eubée, dont l’origine leur est commune, mais pour les rendre puissans, afin que, voisins de Syracuses, ils nous servent en inquiétant cette ville. Dans l’Hellade, nous nous suffisons à nous-mêmes contre nos ennemis. Quant à ces Chalcidiens, qu’on trouve inconséquent que nous ayons asservis quand nous travaillons à affranchir ceux de Sicile, il nous importe qu’ils soient hors d’état de faire la guerre et ne nous fournissent que de l’argent ; mais les Léontins et nos autres amis ne nous serviront qu’autant qu’ils jouiront de la plus grande liberté.

Chap. 85. » Or, pour un monarque,