Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
393
THUCYDIDE, LIV. VII.

terre, répandue sur une grande portion du territoire, tirerait des subsistances, en pillant et causant de grands dommages ; tandis qu’avec leurs vaisseaux, les Athéniens lutteraient, non plus à l’étroit, ce qui tournait à l’avantage de l’ennemi, mais en pleine mer, où ils déploieraient les ressources de leur art, libres dans leurs mouvemens d’attaque et de retraite, et n’étant plus enfermés dans un espace étroit et circonscrit. Enfin il déclara qu’il n’était point d’avis qu’on restât dans la même position, mais qu’il fallait en changer au plus tôt.

Eurymédon pensait de même ; mais Nicias soutenait l’opinion contraire : on hésitait, on ajournait, on soupçonnait que Nicias, qui montrait tant d’assurance, en savait plus qu’il n’en disait. Ainsi les Athéniens perdaient le temps et restaient dans le même lieu.

Chap. 50. Cependant Gylippe et Sicanus étaient de retour à Syracuses : Sicanus avait manqué Agrigente ; car, pendant qu’il était encore à Géla, la faction qui favorisait Syracuses venait de se réconcilier avec la faction contraire, qui avait eu le dessus. Pour Gylippe, il amenait des troupes considérables, levées dans la Sicile, et les hoplites envoyés au printemps dans le Péloponnèse sur des vaisseaux de charge, et qui venaient de Libye à Sélinonte : car, poussés dans la Libye, ils avaient reçu des habitans de Cyrène deux trirèmes et des guides pour la traversée, et avaient, dans le paraple [de la Libye], secouru les Évespérites assièges par les Libyens, qu’ils vainquirent. De là ils avaient suivi la côte jusqu’à Néapolis, comptoir des Carthaginois, point d’où le trajet vers la Sicile est le plus court ; il est de deux jours et une nuit : ils l’avaient franchi et avaient abordé à Sélinonte.

Ces renforts arrivés, les Syracusains se disposèrent à combattre encore une fois par terre et par mer. Les généraux athéniens, voyant les forces de l’ennemi s’accroître d’une nouvelle armée, et leurs affaires, loin de prendre une meilleure face, empirer de jour en jour, ruinées surtout par les maladies qui atteignaient les troupes, regrettaient de ne s’être pas retirés plus tôt. Nicias lui-même, ne marquant plus autant d’opposition, se réduisait à les prier de ne pas délibérer ouvertement sur le départ. Ils firent donc savoir aux soldats, le plus secrètement possible, que le camp serait abandonné et qu’ils devaient se tenir prêts à un signal. Tout était disposé, on allait partir, quand la lune s’éclipsa ; car on était en pleine lune. La plupart des Athéniens prièrent les généraux de différer ; ce phénomène leur donnait des scrupules. Nicias, à qui les signes célestes, en particulier celui-ci, inspiraient une crainte trop superstitieuse, dit qu’avant qu’il se fût écoulé trois fois neuf jours, terme fixé par les devins, il ne permettrait plus de délibérer sur l’affaire du départ. Les Athéniens avaient déjà perdu trop de temps : cet événement les fit rester encore.

Chap. 51. Les Syracusains, instruits de ces circonstances, furent d’autant plus animés à s’opposer à cette retraite, que leurs ennemis, par le fait, reconnaissaient eux-mêmes avoir perdu la supériorité sur terre et sur mer. Il ne fallait pas non plus souffrir qu’ils allassent s’établir dans quelque autre partie de la Sicile, où il serait plus difficile de les combattre. On devait saisir l’occasion et les forcer, le plus tôt possible, à un combat de mer dans la position où ils se trouvaient. En conséquence la flotte appareilla et s’exerça pendant le nombre de jours qu’on jugea nécessaire. Dès que le moment parut favorable, les troupes de terre commencèrent, le premier jour, par attaquer les retranche-