Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
410
THUCYDIDE, LIV. VIII.

dans les chantiers de vaisseaux en état de tenir mer, plus d’argent dans le trésor, plus de matelots pour la flotte ; et, dans une telle détresse, nulle espérance de salut. Les Athéniens croyaient que soudain les peuples de la Sicile navigueraient contre le Pirée, surtout après une si mémorable victoire ; que, de leur pays même, des Péloponnésiens et autres voisins, avec un appareil deux fois plus formidable, les presseraient et par terre et par mer ; qu’à tant d’ennemis se joindraient leurs propres alliés révoltés. On décréta néanmoins qu’il fallait, autant que le permettraient les circonstances, ne pas céder, équiper même une flotte, se procurer, comme on pourrait, des bois de construction et de l’argent ; tenir les alliés, et l’Eubée surtout, en respect ; mettre de l’économie dans les dépenses de l’intérieur de la ville ; élire un conseil de sages vieillards, qui s’occuperait des décrets préparatoires qu’exigeraient les conjonctures critiques ; enfin (car tel est l’usage du peuple), on était prêt, dans la terreur subite qui frappait les esprits, à rétablir le bon ordre dans toutes les parties du gouvernement. Ce qu’on venait de décréter, on l’exécuta. L’été finissait.

Chap. 2. L’hiver suivant, la grande catastrophe des Athéniens en Sicile exalta les esprits de tous les Hellènes. Ceux qui n’étaient alliés ni de l’un, ni de l’autre parti, se croyaient obligés de prendre les armes sans même attendre qu’ils y fussent invités : ils voulaient marcher contre Athènes, persuadés, chacun en particulier, que les armées de cette république seraient venues fondre sur eux, si les affaires de Sicile avaient prospéré ; que d’ailleurs on verrait bientôt finir cette guerre, et qu’il serait beau d’y avoir eu quelque part. Les alliés des Lacédémoniens, tous unanimement, se sentaient plus d’ardeur que jamais à terminer promptement les maux qu’ils enduraient ; mais surtout les sujets d’Athènes, même sans consulter leurs forces, étaient prêts à se soulever, jugeant des affaires dans un moment d’enthousiasme, et, dans leurs conjectures, n’accordant pas aux Athéniens la moindre chance de salut pour l’année suivante. Lacédémone était encouragée par toutes ces considérations ; et surtout parce qu’au retour du printemps les alliés de Sicile, avec une puissance formidable, seraient alors contraints, par la nécessite même, d’unir leurs vaisseaux à ses flottes. De toutes parts flattée des plus belles espérances, elle voulait sans délai reprendre les armes : elle se représentait que cette guerre heureusement terminée la mettrait pour l’avenir à l’abri des dangers qu’elle aurait eus à redouter de la part des Athéniens s’ils avaient ajouté la domination de la Sicile à leur puissance, et que, les détruisant eux-mêmes, elle deviendrait paisiblement la dominatrice de toute l’Hellade.

Chap. 3. Agis, dans ce même hiver, partant de Décélie avec des forces considérables, recueillit, pour l’entretien de la flotte, les contributions des alliés. Il gagna le golfe Maliaque, fit un grand butin sur les Étéens, anciens ennemis de sa nation, et le convertit en argent. Il exigea aussi des otages et des contributions pécuniaires des Achéens phtiotes et des autres peuples de cette contrée, sujets de la Thessalie, quoique les Thessaliens se plaignissent de ces vexations et les supportassent impatiemment. Il déposa les otages à Corinthe, dont il tâcha d’obtenir l’alliance. Les Lacédémonens exigèrent des villes qu’elles construisissent cent vaisseaux, s’obligèrent eux-mêmes à en fournir vingt-cinq, ainsi que les Béotiens ; en demandèrent quinze aux Phocéens et aux Locriens, le