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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/420

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

courussent des hasards ; qu’on serait dans la suite maîtres de combattre, quand on saurait avec certitude le nombre des vaisseaux ennemis et ce qu’on aurait à leur opposer, et lorsqu’on se serait préparé convenablement et a loisir ; mais que jamais il n’irait, cédant follement à une mauvaise honte, au-devant d’une affaire décisive ; qu’il ne serait pas honteux aux Athéniens d’obéir en mer aux circonstances, mais qu’il le serait bien davantage d’essuyer une défaite quelconque, et délivrer la république non seulement au déshonneur, mais encore au plus grand péril ; qu’à la suite de ses malheurs récens à peine lui était-il permis, même avec des préparatifs sûrs, de risquer la première une attaque en quelque occasion que ce fût, soit volontairement, soit par nécessité ; comment donc, sans y être forcée, s’exposerait-elle à des dangers de son choix ! Il ordonna de prendre au plus tôt les blessés, l’infanterie, le bagage, de laisser le butin qu’ils avaient fait sur l’ennemi, pour ne pas surcharger les vaisseaux, et de faire voile vers Samos : de là, après avoir rassemblé toute la flotte, on ferait, si les circonstances étaient favorables, des courses sur l’ennemi. Il fit goûter ce projet et le mit à exécution. La sagesse de Phrynicus se montra non seulement dans cette occasion, mais encore dans la suite, et aussi bien dans toutes les affaires dont il eut le maniement que dans celle dont nous venons de parler. Ainsi, dès le soir, les Athéniens s’éloignèrent de Milet sans profiter de la victoire. Les Argiens, honteux de leur défaite, passèrent aussitôt de Samos dans leur pays.

Chap. 28. Les Péloponnésiens, avec l’aurore, de Tichiusse, levèrent l’ancre, allèrent à Milet, et, après avoir vainement attendu l’ennemi durant un jour, le lendemain ils prirent avec eux les vaisseaux de Milet qui avaient accompagné Chalcidée et qu’avaient chassés les ennemis, et retournèrent à Tichiusse pour y prendre les effets précieux qu’ils y avaient déposés. Ils arrivent : Tissapherne s’y rend avec ses troupes, les décide à faire voile pour Iasos, où se tenait Amorgès, ennemi du grand roi. Ils livrèrent une attaque subite, et, comme on ne s’attendait à voir que des vaisseaux d’Athènes, ils enlevèrent la place. Les Syracusains se signalèrent dans cette affaire. On prit vif cet Amorgès, bâtard de Pissuthnès, qui s’était révolté contre le roi. Les Péloponnésiens le livrèrent à Tissapherne, pour le conduire, s’il le voulait, au roi, comme il en avait reçu l’ordre, et ils pillèrent Iasos, place qui jouissait d’une ancienne opulence, et où les soldats firent un riche butin. Loin de faire aucun mal aux auxiliaires d’Amorgès, ils les reçurent dans leurs rangs, étant pour la plupart du Péloponnèse ; abandonnèrent à Tissapherne la place et les prisonniers, tant libres qu’esclaves, à la charge d’un darique par tête, revinrent ensuite à Milet, firent passer par terre, jusqu’à Érythres, avec les troupes auxiliaires d’Amorgès, Pédarite, fils de Léon, que les Lacédémoniens envoyaient commander à Chio, puis établirent Philippe à Milet.

L’été finissait.

Chap. 29. L’hiver suivant, Tissapherne, après avoir établi garnison à Iasos, se rendit à Milet, et, comme il l’avait promis à Lacédémone, donna, pour un mois de subside, une drachme attique à chaque soldat de tous les vaisseaux. Il voulait, pour le reste du temps, ne donner que trois oboles jusqu’à ce qu’il eût consulté la volonté du roi, ajoutant que, s’il en recevait l’ordre, il donnerait la drachme entière. Hermocrate, général syracusain, s’opposait à cet arrangement. Pour Théramène, qui n’était pas commandant de la flotte, et

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