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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/431

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

plus les peuples du Péloponnèse que les Athéniens, et qui voulait continuer à les miner les uns et les autres, suivant le conseil que lui-même lui en avait donné. Il l’engagea astucieusement à demander trop aux Athéniens, pour qu’on ne pût s’accorder. Tel était aussi, je crois, le désir secret de Tissapherne : la crainte le lui inspirait. Pour Alcibiade, voyant que le satrape n’avait envie de terminer à aucune condition, il voulut sans doute persuader aux Athéniens qu’il ne manquait pas de crédit auprès de lui, et que c’étaient eux qui ne faisaient pas des offres suffisantes, quand ce Perse, déjà tout décidé en leur faveur, ne demandait qu’à embrasser ouvertement leur parti. Il fit, au nom de Tissapherne et en sa présence, tant de demandes exagérées, qu’il empêcha de rien conclure, quoique les Athéniens en accordassent la plus grande partie : en effet, il voulait qu’on livrât l’Ionie tout entière, ensuite les îles adjacentes, et faisait encore d’autres propositions que les Athéniens ne rejetaient pas. Enfin, à la troisième conférence, pour ne pas laisser voir clairement qu’il ne pouvait rien, il demanda qu’il fût permis au roi de construire une flotte, et de longer leurs côtes avec le nombre de bâtimens qu’il jugerait à propos. Les Athéniens alors, jugeant que la chose était inexécutable, qu’Alcibiade les jouait, refusèrent, se retirèrent indignés, et retournèrent à Samos.

Chap. 57. Aussitôt après, et dans le même hiver, Tissapherne revint à Caune, pour ramener encore une fois les Péloponnésiens à Milet, faire avec eux, aux meilleures conditions qu’il serait possible, un nouveau traité, leur payer un subside, et ne pas avoir en eux des ennemis déclarés. Il craignait que, ne pouvant suffire à l’entretien de toute leur flotte et forcés de se battre contre les Athéniens, ils ne fussent vaincus, ou qu’ils ne laissassent leurs vaisseaux dénués d’équipages, et que les Athéniens ne parvinssent à leur but sans avoir besoin de son assistance ; mais il appréhendait surtout que, pour se procurer des vivres, ils ne ravageassent le continent. Pour toutes ces raisons, et dans la vue de suivre son objet, qui était de rendre égales entre elles les puissances de l’Hellade, il manda les Péloponnésiens, leur paya le subside, et fit, pour la troisième fois, l’accord suivant.

Chap. 58. « La treizième année du règne de Darius, Alcippidas étant éphore de Lacédémone, les Lacédémoniens et leurs alliés ont traité, dans la plaine du Méandre, avec Tissapherne, Hiéramène et les enfans de Pharnace, pour leurs intérêts respectifs, aux conditions suivantes :

» Tout le pays du grand roi qui fait partie de l’Asie, restera sous sa domination ; il le tiendra suivant sa volonté.

» Lacédémone et ses alliés n’entreront pas à mauvaise intention dans le pays du grand roi, ni le grand roi sur le territoire des Lacédémoniens et de leurs alliés.

» Si quelqu’un de Lacédémone ou de ses alliés pénètre dans le pays du roi à mauvaise intention, Lacédémone et ses alliés s’y opposeront ; et si quelqu’un des sujets du roi marche contre les Lacédémoniens pour leur nuire, le roi s’y opposera.

» Tissapherne paiera à la flotte actuelle le subside convenu, jusqu’à l’arrivée de la flotte du roi.

» Après l’arrivée de la flotte du roi, si Lacédémone et ses alliés veulent soudoyer leur flotte, ils en seront les maîtres. S’ils veulent recevoir le subside de Tissapherne, il le leur paiera ; mais, la guerre finissant, les Lacédémoniens et leurs alliés rembourseront à Tissapherne