Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
437
THUCYDIDE, LIV. VIII.

plus forts tous les soldats, surtout ceux du parti oligarchique : d’après ces sermens, ils devaient demeurer attachés à la constitution démocratique, vivre dans la concorde, pousser vivement la guerre contre les Péloponnésiens, rester ennemis des quatre cents et n’entretenir avec eux aucune communication par le ministère des hérauts. Tout ce qu’il y avait de Samiens en âge de porter les armes prêta le même serment. L’armée s’unit d’intérêts et de dangers avec ceux de la ville de Samos, croyant que pour les uns et les autres il n’était aucun espoir de salut, et qu’ils périraient tous également, si les quatre cents et les ennemis qui étaient à Milet devenaient les maîtres.

Chap. 76. Alors grande division entre Athènes et l’armée de Samos : celle-ci voulant contraindre Athènes à conserver l’état populaire, celle-là voulant obliger le camp de Samos à reconnaître l’oligarchie. Les soldats formèrent aussitôt une assemblée, dans laquelle ils déposèrent les généraux et ceux des triérarques qui lui étaient suspects, et en créèrent de nouveaux : Thrasybule et Thrasylle furent seuls conservés. Les guerriers se donnaient les uns aux autres, dans cette assemblée, de grands motifs d’encouragement ; se disant qu’il ne fallait pas s’effrayer si Athènes rompait avec eux ; que c’était le plus petit nombre qui se détachait du plus grand, et de ceux qui avaient, à tous égards, les plus puissantes ressources : que, maîtres de toute la flotte, ils pouvaient forcer les autres villes de leur domination à fournir de l’argent, tout aussi bien que s’ils sortaient d’Athènes pour en exiger ; qu’ils avaient pour eux Samos, ville puissante, et qui, du temps qu’elle était en guerre avec les Athéniens, avait été au moment de leur enlever l’empire de la mer. Comme auparavant, de cette place, ils repousseraient les efforts de leurs ennemis ; au moyen des vaisseaux, ils se procureraient le nécessaire plus aisément que les habitans d’Athènes. Maîtres de Samos, nous avons su, antérieurement, nous rendre maîtres des abords du Pirée : dans la circonstance présente, ne nous est-il pas bien plus aisé, si ceux d’Athènes ne veulent pas nous rétablir dans nos droits politiques, de leur ôter l’usage de la mer, qu’à eux de nous en priver ? Ils ajoutaient que les ressources qu’ils pourraient tirer d’Athènes pour se mettre au-dessus des ennemis étaient bien peu de chose et ne méritaient aucune attention ; qu’ils n’avaient rien perdu en cessant d’avoir pour eux des gens qui n’avaient plus ni argent à leur envoyer, puisqu’au contraire c’étaient les soldats qui leur en fournissaient, ni un conseil raisonnable, seul moyen qui assure à un état son pouvoir sur les armées ; que de plus Athènes en était venue jusqu’à se rendre coupable du plus criant délit, celui de détruire les lois de la patrie, et que l’armée, qui défendait ces lois, contraindrait Athènes à les respecter, en sorte que ceux d’entre eux qui prendraient un bon parti n’auraient aucun désavantage ; qu’Alcibiade, s’il obtenait d’eux son retour et la sécurité, s’empresserait de leur procurer l’alliance du roi ; mais que surtout, avec une flotte si puissante, ils sauraient toujours bien, quand tout le reste viendrait à leur manquer, se procurer une retraite où ils trouveraient des villes et un territoire.

Chap. 77. Après s’être ainsi harangués et encouragés, ils se préparèrent vivement à la guerre. Les dix députés envoyés à Samos par les quatre cents apprirent ces nouvelles lorsqu’ils étaient à Délos, et restèrent dans l’inaction.

Chap. 78. Vers le même temps, les troupes qui à Milet montaient la flotte