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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/441

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THUCYDIDE, LIV. VIII.

moyens de complaire à Tissapherne.

Chap. 84. Au milieu de ces raisonnemens, on se soulève contre Astyochus. Il est assailli par les matelots de Syracuses et de Thurium, qui demandent la solde avec d’autant plus de hardiesse qu’ils sont tous des hommes libres : Astyochus met de la hauteur dans sa réponse, menace même Doriée, qui appuyait les réclamations de ses matelots, et en vient jusqu’à lever sur lui le bâton de commandement. À ce geste, les soldats, violens comme le sont les gens de mer, jetant de grands cris, avaient fait un mouvement pour fondre sur lui ; il voit le danger et s’élance sur un autel : il ne fut point frappé ; les soldats se séparèrent.

Cependant les Milésiens, ayant attaqué le fort que Tissapherne avait construit à Milet, venaient de le prendre et d’en chasser la garnison. Les Syracusains surtout approuvaient ce coup de main : mais Lichas le blâmait, et prétendait qu’il fallait que les Milésiens et autres peuples de la domination du grand roi continuassent de servir Tissapherne à des conditions modérées, et lui montrassent de la déférence jusqu’à ce qu’ils eussent terminé heureusement la guerre ; ce qui, joint à d’autres causes semblables, irrita tellement les Milésiens, que, Lichas étant mort quelque temps après de maladie, ils ne le laissèrent pas inhumer où le voulaient les Lacédémoniens qui étaient près de lui.

Chap. 85. Pendant qu’irrités contre Astyochus et Tissapherne, les Péloponnésiens s’accordaient si mal dans la conduite des affaires, Mindare vint de Lacédémone remplacer Astyochus dans le commandement de la flotte ; il en prit possession, et Astyochus s’embarqua pour Lacédémone. Tissapherne fit partir avec lui, en qualité d’ambassadeur, un des hommes qu’il avait près de sa personne, le Carien Gaulitès, qui savait les deux langues, et qu’il avait chargé de sa justification et de ses réclamations contre l’entreprise des Milésiens sur le fort. Il savait que les Milésiens étaient en chemin pour aller surtout déclamer contre lui ; qu’Hermocrate, qui conservait du ressentiment pour l’affaire de la solde, était avec eux, et qu’il ne manquerait pas de l’accuser de duplicité et de faire entendre qu’il était d’intelligence avec Alcibiade pour ruiner les affaires du Péloponnèse. Enfin, quand Hermocrate fut banni de Syracuses, et que d’autres Syracusains, Potamis, Myscon et Démarchus, furent venus à Milet prendre le commandement de la flotte, Tissapherne poursuivit Théramène avec encore plus d’acharnement dans son exil, portant contre lui différentes accusations, et celle entre autres de ne s’être fait son ennemi que sur le refus d’une somme d’argent qu’il avait demandée et n’avait pas obtenue. Astyochus, les Milésiens et Hermocrate passèrent donc à Lacédémone, tandis qu’Alcibiade, de chez Tissapherne, revenait à Samos.

Chap. 86. Les députés que les quatre cents avaient expédiés pour apaiser l’armée de Samos et lui donner des éclaircissemens sur leur conduite, arrivaient de Délos lorsqu’Alcibiade était déjà dans Samos. Une assemblée fut convoquée : ils voulaient y prendre la parole ; mais les soldats refusèrent d’abord de les entendre, criant qu’il fallait donner la mort aux destructeurs de la démocratie. Enfin cependant ils se calment et les écoutent. Les députés exposèrent qu’on avait fait la révolution non pour la ruine, mais pour le salut de la république ; qu’on n’avait pas voulu la livrer aux ennemis, puisque, si l’on en avait eu le dessein, on l’aurait exécuté lors de l’invasion du territoire ; que tous ceux qui faisaient partie des cinq mille parvien-