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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/489

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XÉNOPHON, LIV. II.

Les Grecs s’étant éloignés ensuite, délibérèrent. Puis ils répondirent, Cléarque portant la parole : « Nous ne nous sommes point assemblés pour faire la guerre au roi. Nous n’avons pas cru marcher contre lui. Cyrus (vous le savez vous-mêmes) a inventé mille prétextes pour nous prendre au dépourvu, et pour nous amener jusqu’ici. Cependant lorsque nous l’avons vu au milieu des dangers, nous avons rougi de le trahir à la face des Dieux et des hommes, nous étant laissés précédemment combler de ses faveurs. Depuis que ce prince a été tué, nous ne disputons plus au roi sa couronne, nous n’avons point de raisons pour vouloir ravager ses états, nous ne souhaitons point de mal à sa personne, et nous nous retirerions dans notre patrie si personne ne nous inquiétait. Mais si l’on nous fait une injure, nous tâcherons, avec l’aide des Dieux, de la repousser. Qui que ce soit, au contraire, qui nous prévienne par des bienfaits, nous les lui rendrons, si nous le pouvons, avec usure. » Ainsi parla Cléarque.

Tissapherne l’ayant entendu, répliqua : « Je rendrai au roi ce discours, et viendrai vous redire ses intentions. Que jusqu’à mon retour la trève subsiste. Nous vous fournirons pendant ce temps des vivres à acheter. » Le satrape ne revint point le lendemain, ce qui causa de l’inquiétude aux Grecs. Il arriva le jour d’après, et annonça qu’il avait obtenu du roi avec peine et comme une grâce le salut des Grecs, quoique beaucoup de Perses fussent d’un avis contraire et objectassent qu’il était indigne de la grandeur du roi, de laisser échapper des troupes qui avaient porté les armes contre lui. « Enfin, dit-il, vous pouvez recevoir notre serment : nous vous promettrons de vous faire traiter en amis dans tous les états du roi, et de vous ramener fidèlement en Grèce ; vous faisant trouver des marchés garnis de vivres sur toute votre route. Où vous n’en trouverez pas, il vous sera permis de prendre dans le pays ce qui vous sera nécessaire. Il faudra que vous nous juriez de votre côté de traverser cet empire comme pays ami, sans rien endommager, achetant les vivres à prix d’argent, lorsqu’il y aura un marché où l’on vous en vendra, et n’en prenant au pays qu’à défaut de marchés. » Cela fut arrêté. Tissapherne et le beau-frère du roi, d’un côté, les généraux et les chefs de lochos grecs de l’autre, jurèrent l’observation de ces articles, et se donnèrent réciproquement la main en signe d’alliance. Tissapherne dit ensuite : « Je vais retrouver le roi : lorsque j’aurai terminé les affaires qui me restent, je reviendrai avec mes équipages pour vous ramener en Grèce, et retourner moi-même dans mon gouvernement. »

Les Grecs, et Ariée qui campait près d’eux, attendirent ensuite Tissapherne plus de vingt jours. Pendant ce temps les frères d’Ariée et d’autres de ses parens viennent le trouver. Des Perses passent aussi à son camp et parlent à ses troupes pour les rassurer. Quelques-uns même leur promettent avec serment, de la part du roi, qu’il ne les punira jamais d’avoir porté les armes pour Cyrus, et qu’il oubliera tout ce qui s’est passé. Dès ce moment il parut qu’Ariée, et les chefs de son armée avaient moins d’égards pour les Grecs. Plusieurs de ceux-ci en furent mécontens, et allant trouver Cléarque et les autres généraux, ils leur dirent : « Pourquoi rester ici ? Ne savons-nous pas que le roi met la plus grande importance à nous exterminer afin que les autres Grecs tremblent de porter la guerre dans ses