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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/508

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XÉNOPHON, LIV. III.

à la main. » Mithradate tâcha alors de leur prouver qu’il leur était impossible d’échapper malgré le roi. On reconnut qu’il fallait se défier de ce Barbare, car un des parens de Tissapherne l’accompagnait et en répondait. Dès ce moment les généraux jugèrent à propos de faire publier un ban pour défendre tout colloque tant qu’on serait en pays ennemi, car les Barbares qui venaient conférer débauchaient des soldats grecs. Ils séduisirent même un chef (Nicarque d’Arcadie), qui déserta la nuit et emmena environ vingt hommes.

Quand l’armée eut dîné et passé le fleuve Zabate, elle marcha en ordre. Les bêtes de somme et les esclaves étaient au centre du bataillon carré. On n’avait pas fait encore beaucoup de chemin lorsque Mithradate reparut avec un escadron d’environ deux cents chevaux, et précédé de quatre cents archers ou frondeurs, tous légers à la course et agiles. Il avançait vers les Grecs comme ami ; mais dès qu’il fut près de leur corps, tout-à-coup sa cavalerie et son infanterie tirèrent des flèches, ses frondeurs lancèrent des pierres. Il y eut des Grecs blessés. Leur arrière-garde souffrit sans pouvoir faire aucun mal à l’ennemi ; car les archers crétois n’atteignaient pas d’aussi loin que les Perses, et d’ailleurs, comme ils ne portaient point d’armes défensives, on les avait renfermés dans le centre du bataillon carré. Ceux qui lançaient des javelots ne pouvaient les faire porter jusqu’aux frondeurs ennemis : Xénophon crut en conséquence qu’il fallait repousser ces Barbares. L’infanterie pesante et les armés à la légère qui se trouvèrent sous ses ordres à l’arrière-garde, firent volte-face et poursuivirent les Perses, mais n’en purent joindre aucun, car les Grecs n’avaient point de cavalerie, et l’infanterie perse prenant la fuite de loin, l’infanterie grecque ne pouvait la joindre à une petite distance du gros de l’armée, et n’osait pas s’en écarter davantage. Les cavaliers barbares, même lorsqu’ils fuyaient, lançaient des flèches derrière eux, et blessaient des Grecs ; tout le chemin que ceux-ci faisaient à la poursuite de l’ennemi, ils l’avaient à faire une seconde fois en retraite et en combattant, en sorte que dans toute la journée l’armée n’avança que de vingt-cinq stades, et n’arriva que le soir aux villages. Le soldat retomba dans le découragement. Chirisophe et les plus anciens généraux reprochaient à Xénophon de s’être détaché de l’armée pour courir après l’ennemi, et de s’être exposé sans avoir pu faire le moindre mal aux Perses.

Xénophon écouta ces généraux, et leur répondit qu’ils l’accusaient avec raison, et que le fait déposait en leur faveur. « Mais, ajouta-t-il, ce qui m’a obligé à poursuivre l’ennemi, c’est que je voyais qu’il faisait impunément souffrir beaucoup notre arrière-garde quand nous restions collés à l’armée. En marchant aux Barbares, nous avons constaté la vérité de ce que vous dites, car nous n’avons pas pu faire plus de mal, et notre retraite a été très difficile. Grâces soient donc rendues aux Dieux de ce que les ennemis ne sont pas tombés sur nous en force, et n’ont envoyé qu’un petit détachement ; ils ne nous ont pas nui beaucoup, et ils nous indiquent nos besoins, car ni les flèches des archers crétois, ni nos javelots ne peuvent atteindre aussi loin que les arcs et les frondes des Barbares. Marchons-nous à eux, nous ne pouvons les suivre loin de notre armée, mais seulement jusqu’à une petite distance, et telle qu’un homme à pied, quelque agile qu’il soit, n’en peut attraper un autre qui a sur lui une