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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/519

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XÉNOPHON, LIV. IV.

nait de chasser les Barbares, ils n’y revinssent et ne tombassent sur les équipages à leur passage (car la colonne en était longue à cause du peu de largeur des chemins), Xénophon, dis-je, laisse sur la première colline deux chefs de lochos, Céphisidore, Athénien, fils de Céphisiphon, et Archagoras, banni d’Argos : lui-même, avec le reste des troupes, marche à la seconde colline et s’en empare de la même manière. Il y avait encore un troisième mamelon beaucoup plus escarpé : c’était celui qui dominait le poste où les ennemis ayant allumé du feu avaient été surpris la nuit par les volontaires. Dès que les Grecs s’en approchent, les Barbares l’abandonnent sans combattre. Tout le monde en fut étonné ; on présumait qu’ils ne s’en étaient retirés que de peur d’y être enveloppés et assiégés. Mais les Carduques, qui avaient vu du sommet du mamelon ce qui se passait à la queue de la colonne des Grecs, couraient tous charger l’arrière-garde.

Xénophon, avec les plus jeunes soldats, monta au haut du mamelon, et ordonna au reste de ses troupes que la tête marchât lentement, afin que les derniers lochos pussent rejoindre, et que lorsqu’en suivant le chemin on trouverait un terrain uni, on s’y formât et qu’on y posât en ordre les armes à terre. Alors arrive Archagoras d’Argos, qui fuyait ; il raconte qu’on a été chassé de la première colline, que Céphisidore et Amphicrate y ont été tués, ainsi que tous les Grecs qui n’ont pas sauté du rocher en bas et rejoint l’arrière-garde. Après avoir eu cet avantage, les Barbares vinrent occuper une autre colline vis-à-vis du dernier mamelon. Xénophon leur proposa, par la voie d’un interprète, une suspension d’armes, et redemanda les morts. Les Barbares promirent de les rendre l’on s’engageait à ne point brûler leurs villages : Xénophon y consentit. Cette conférence se passait pendant que le reste de l’armée continuait à défiler, et toutes les troupes avaient dépassé le mamelon et s’étaient réunies. Les ennemis faisaient halte pour lors ; mais dès que les Grecs commencèrent à descendre du mamelon pour rejoindre leurs camarades, dont les armes étaient posées à terre, les Barbares s’avancèrent en grand nombre et avec beaucoup de bruit ; quand ils eurent gagné le plus haut tertre du mamelon, d’où Xénophon descendait encore, ils routèrent des pierres et cassèrent la cuisse d’un Grec. Xénophon avait été abandonné de l’homme qui portait son bouclier ; Euryloque de Lusie, Arcadien, courut à lui, le couvrit du sien, et tous deux se retirèrent sous un seul bouclier ; les autres soldats rejoignirent le gros de troupes grecques qui était formé plus loin.

Toute l’armée grecque se trouvant alors réunie, cantonna dans beaucoup de belles maisons où foisonnaient les vivres. Il y avait une telle abondance de vin, qu’on le gardait dans des citernes cimentées. Xénophon et Chirisophe convinrent avec les Carduques de leur rendre leur compatriote qui servait de guide, et les Carduques rendirent les morts : ces cadavres reçurent, autant qu’il fut possible aux Grecs, tous les honneurs dus aux mânes de gens courageux. Le lendemain on marcha sans guide. Les ennemis toujours combattant, toujours s’emparant d’avance des défilés, barraient le passage de l’armée. S’ils arrêtaient l’avant-garde, Xénophon, de la queue de la colonne où il était, gravissait sur la montagne, et tâchant de gagner le dessus de l’ennemi, dissipait l’obstacle. Chirisophe rendait le même service à l’arrière-garde lorsqu’elle était attaquée, et avec les troupes de la tête, en parvenant à dominer l’ennemi, il ou-