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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/577

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XÉNOPHON, LIV. VII.

d’hui ? Les Lacédémoniens ne sont plus ligués seulement avec les Achéens, mais encore avec Athènes et avec tous les anciens alliés de cette république. Nous avons nous-mêmes pour ennemis Tissapherne et tous les Barbares qui sont au-delà de la mer. Nous avons pour ennemi bien plus cruel encore le grand Roi, contre lequel nous avons marché pour lui ôter sa couronne et pour lui arracher la vie s’il eût dépendu de nous. D’après ce tableau général de tout ce qui se réunit et conspire contre nous, est-il quelqu’un d’assez insensé pour présumer que nous en sortirions vainqueurs ? Ne nous conduisons pas en furieux, je vous en conjure par les Immortels ; ne nous perdons pas honteusement nous-mêmes en faisant la guerre à notre patrie, à nos amis, à nos parens, car ils sont tous citoyens des villes qui s’armeront contre nous, et ne sera-ce pas avec justice ? Quoi ! nous n’avons voulu garder aucune place des Barbares, quoique partout triomphans, et la première ville grecque où nous entrons nous allons la mettre au pillage ! Puissé-je, je le souhaite, être à cent pieds sous terre avant de vous voir commettre de pareils excès ! Vous êtes Grecs, je vous conseille de vous soumettre aux chefs de la Grèce et d’essayer de vous faire accorder par eux un traitement équitable ; mais si vous ne pouvez pas l’obtenir, il ne faut pas, quelque injustice qu’ils vous fassent, vous fermer à jamais les portes de votre patrie. Je suis d’avis d’envoyer des députés à Anaxibius, et de lui dire : Nous ne sommes point entrés ici pour y commettre la moindre violence, mais pour tâcher d’obtenir de vous, si nous le pouvions, quelques avantages, et pour vous faire voir, si vous nous refusez, que ce n’est pas parce que nous nous laissons abuser, mais parce que nous savons obéir, que nous sortons de Byzance. »

Ce parti fut adopté ; on envoya Hiéronime d’Élide, Euryloque Arcadien et Philésius d’Achaïe faire ces représentations à Anaxibius. Ils partirent pour s’acquitter de leur mission. Les soldats étaient encore assis près de leurs armes quand Cyratade Thébain vint les aborder. Il n’était point banni de la Grèce, mais le désir de commander une armée le faisait voyager, et il allait offrir ses services à toutes les villes, à toutes les nations qui pouvaient avoir besoin d’un général. Il s’avança vers les soldats ; il leur dit qu’il était prêt à les mener dans une partie de la Thrace nommée le Delta, où il y avait un butin abondant et précieux à faire, et il leur promit de leur fournir des vivres à discrétion jusqu’à ce qu’ils y fussent arrivés.

Les soldats écoutaient ces discours quand on leur apporta la réponse d’Anaxibius. Il leur faisait dire qu’ils ne se repentiraient pas de lui avoir obéi, qu’il rendrait compte de leur soumission aux magistrats de Sparte, et qu’il leur ferait en son particulier tout le bien qui dépendrait de lui. Les Grecs acceptèrent alors Cyratade pour général, et sortirent des murs de Byzance. Cyratade convint de se trouver lendemain au camp, d’amener des victimes, un devin et des provisions de bouche pour l’armée. Dès qu’elle fut hors des portes, Anaxibius les fit fermer et ordonna à un héraut de publier que tout soldat qui serait pris dans la ville serait vendu comme esclave. Le lendemain, Cyratade vint avec les victimes et le sacrificateur. Vingt hommes le suivaient chargés de farine ; vingt autres, de vin ; trois, d’huile d’olive ; un autre portait une telle provision d’ail, qu’il pliait sous le faix ; un autre était de même chargé d’oignons. Cyratade fit