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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/582

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XÉNOPHON, LIV. VII.

« Soldats, Aristarque a des galères et nous empêche de nous porter par mer où nous voulons ; car il serait dangereux de nous embarquer sur des bâtimens moins forts que les siens. Il vous ordonne de marcher vers la Chersonèse, et de vous y frayer une route, les armes à la main, à travers le Mont-Sacré. Si vous vous ouvrez ce passage et pénétrez jusqu’à la Chersonèse, il vous promet de ne plus vendre ni de vouer à l’esclavage aucun de vous, ainsi qu’il l’a fait à Byzance ; il assure que vous n’aurez plus de supercherie à craindre, qu’on vous paiera une solde, au contraire, et qu’on ne négligera point, comme aujourd’hui, de vous faire trouver les premiers besoins de la vie. Telles sont les offres d’Aristarque. Seuthès, de son côté, s’engage à vous bien traiter si vous allez le joindre. Voyez maintenant si vous voulez délibérer sur cette alternative, dans ce moment même, ou seulement lorsque vous serez arrivés où il y a des vivres. Comme nous manquons d’argent pour acheter, et qu’on ne nous laisse rien prendre ici sans payer, je suis d’avis de retourner d’abord à des villages où nous forcerons aisément les paysans à nous laisser prendre notre subsistance, d’écouter là ce qu’on exige de nous, de part et d’autre, et de choisir alors le parti le plus avantageux pour nous. Que quiconque pense comme moi, ajouta Xénophon, lève la main. » Tous les assistans la levèrent. « Nous allons donc décamper, dit ce général ; chargez vos équipages, et quand vous en recevrez l’ordre, suivez celui qui sera à la tête de la colonne. »

Xénophon conduisit ensuite l’armée qui marcha où il la menait. Néon et d’autres personnes envoyées par Aristarque, voulaient engager les troupes à revenir sur leurs pas ; mais on ne les écouta point. Quand on eut fait environ trente stades, Seuthès vint au-devant des Grecs. Xénophon, dès qu’il l’aperçut, lui cria d’approcher afin que les discours que ce Thrace lui tiendrait relativement à l’avantage commun, fussent entendus de plus de monde. Lorsque Seuthès se fut avancé ; « Notre dessein, lui dit Xénophon, est d’aller où nous trouverons de quoi subsister. Nous prêterons alors l’oreille à vos propositions et à celles d’Aristarque, et nous préférerons celles qui nous paraîtront les plus avantageuses ; mais si vous nous conduisez vers le lieu où est la plus grande abondance de vivres, nous nous regarderons déjà comme liés à vous par les nœuds de l’hospitalité. » Seuthès répondit : « Je connais beaucoup de gros villages pleins de provisions de toute espèce : ils ne sont éloignés d’ici qu’autant qu’il le faut pour vous faire gagner de l’appétit, et trouver votre dîner meilleur. — Conduisez-nous donc, dit Xénophon. » On y arriva dans l’après-dînée ; les soldats s’assemblèrent, et Seuthès leur dit : « Grecs, je vous demande de porter les armes pour moi ; je vous promets que chaque soldat touchera pour sa paie un cyzicène par mois, et les chefs de lochos et les généraux à proportion. Je récompenserai, indépendamment de cette solde, ceux qui le mériteront. Vous vous ferez fournir, comme maintenant, par le pays, votre subsistance ; mais je n’approprierai ce qu’on prendra d’ailleurs, et du prix que j’en retirerai, je vous fournirai votre paie. Mes troupes sont propres à poursuivre et à chercher, dans ses dernières retraites, l’ennemi qui nous fuira ou voudra nous échapper, et avec vous je tâcherai de vaincre ceux qui m’opposeraient de la résis-