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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/595

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XÉNOPHON, LIV. VII.

cantonnement des Grecs. Ce général se fait suivre par quelques chefs de lochos et par d’autres personnes affidées, et s’approche de Médosade. « Vous nous faites tort, Xénophon, dit ce Thrace, en ravageant nos villages ; nous venons, moi de la part de Seuthès, et cet Odryssien de la part de Médoce, roi de la Thrace supérieure, vous annoncer que vous ayez à évacuer le pays ; si vous vous y refusez, nous ne vous permettrons plus d’exercer une telle licence, et nous repousserons comme ennemis des gens résolus à ravager notre contrée. »

Xénophon répliqua ainsi à ces menaces : « C’est avec peine que je me vois obligé de répondre à un homme tel que vous et à de semblables discours ; je ne m’expliquerai qu’à cause de ce jeune Odryssien ; je veux qu’il sache qui vous êtes, et quels sont les Grecs. Avant d’être vos alliés, nous traversions comme nous le voulions ce pays, nous y portions le ravage et la flamme partout où il nous plaisait ; mais vous, lorsqu’on vous députa vers les Grecs, ne vous trouvâtes-vous pas trop heureux de loger au milieu de nous, et de n’y avoir aucun ennemi à craindre ? Vous ne pouviez entrer dans cette province, ou si vous y pénétriez quelquefois, vous vous y teniez au bivouac, vos chevaux toujours bridés comme dans le pays d’un ennemi plus fort que vous. Depuis notre alliance, nous vous avons rendus maîtres de cette contrée, et vous prétendez maintenant nous chasser du pays même que vous n’avez conquis que par notre secours, et dont vous savez bien que l’ennemi ne pouvait nous repousser. Non seulement vous ne cherchez pas à nous renvoyer en nous comblant de présens et de bienfaits, pour reconnaître ce que vous nous devez ; mais vous prétendez nous empêcher, autant qu’il est en vous, de cantonner pendant notre marche. Quoi ! vous osez tenir de tels propos et vous ne craignez pas les Dieux, et vous ne rougissez pas devant ce jeune homme qui vous voit maintenant dans la prospérité, vous qui, comme vous l’avez avoué vous-même, n’aviez avant votre alliance d’autres ressources pour vivre que le pillage et les incursions. Mais pourquoi, ajouta Xénophon, est-ce à moi que vous vous adressez ? je n’ai plus ici de commandement ; vous venez de livrer aux Lacédémoniens l’armée grecque pour la conduire en Asie, et vous n’avez eu garde (grands politiques que vous êtes), de m’appeler au traité, de peur que comme je m’étais rendu odieux à ce peuple puissant, en faisant passer notre armée à votre service, je ne me réconciliasse avec lui en la lui rendant. »

Dès que l’Odryssien eut entendu cette réponse, il dit à Médosade : « Je rentre en terre, et je n’ai pu sans confusion entendre ce discours ; si j’avais été auparavant au fait de ce qui s’est passé, je ne vous aurais jamais suivi ici, et je m’en éloigne au plus vite ; Médoce, mon roi, ne m’approuverait pas de chasser ainsi nos bienfaiteurs. » Ayant proféré ces mots, il remonta à cheval, s’éloigna, et presque tout le détachement le suivit ; il ne resta que quatre ou cinq cavaliers avec Médosade. Comme il n’était affligé que de voir ses terres ravagées, il dit à Xénophon d’appeler les deux Lacédémoniens. Ce général se fit accompagner de ceux qu’il jugea à propos de choisir, et alla trouver Charmin et Polynice, il leur dit que Medosade les envoyait chercher, et leur proposerait, comme à lui, qu’on se retirât du pays. « Je pense, ajouta Xénophon, que vous obtiendrez pour l’armée la