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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/61

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les brèches, pendant que la partie supérieure qui dominait le rempart était garnie de soldats lançant des armes de jet, et manœuvrant des batteries de balistes et de catapultes.

Ces tours, que l’on avait surnommées hélépoles ou preneuses de villes, étaient d’un usage difficile et dispendieux. On employait plus fréquemment le belier enfermé dans un bâti de forte charpente en dos d’âne. Pour le mettre en branle, on le suspendait par des câbles ou des chaînes, ou bien il était placé sur un chapelet de cylindres continus parallèles les uns aux autres, et roulant sur leur axe dans un canal. On le faisait mouvoir au moyen des poulies posées aux extrémités du canal, et des cordes dont les unes servaient à le pousser en avant, les autres à le retirer.

On employait aussi séparément les catapultes et les balistes. La catapulte avait deux bras engagés dans des cordes de nerfs. Les bras tendaient la corde destinée à chasser le trait. On en fit même qui pouvaient lancer de longues poutres. Le corps de cette machine était composé de deux chapiteaux portant chacun un écheveau de nerfs qui tenait son bras ; d’un arbrier (climacis) sur lequel était placé le canal ; d’une pièce carrée appelée chelonion, glissant dans le canal et portant une main pour saisir la corde d’arc. À l’arrière du chelonion était ajustée une barre qui faisait lever ou baisser la main.

La baliste n’avait qu’un bras qui tenait dans l’écheveau par le moyen d’une coche. Elle jetait des pierres ou des masses de fer avec une raideur peu différente de celle de la poudre, mais non pas à la même portée. Le bras de cette machine se terminait par un cuilleron qui allait frapper avec violence contre un coussinet en cuir rembourré de crin. C’était dans la cavité de ce cuilleron que l’on plaçait le projectile, et l’on ramenait le bras par le moyen d’un tourniquet.

Le ressort ou ton, se composait de cordes de nerfs ou de crins de queue de cheval ; mais le crin n’était employé qu’au défaut de nerfs qui valaient mieux. Vous voyez par le récit de plusieurs siéges, que les dames firent souvent le sacrifice de leurs cheveux pour confectionner des cordes aux machines. On employait indistinctement les nerfs de tous les animaux, excepté ceux du porc. On les faisait tremper ; on les battait pour les séparer dans leur longueur, et les réduire en filasse ; on les peignait doucement ; on les filait par brins, et l’on formait une corde comme le font les ouvriers qui travaillent le chanvre. Quand les deux bouts de la corde étaient bien joints et arrêtés, le bras se plaçait juste dans le milieu de l’écheveau. Le bandage du tortillon exigeant une très grande force, on y adaptait le treuil avec des leviers, ou bien le polyspaste composé de poulies de retour.

La baliste ainsi que la catapulte pouvaient se tirer de but en blanc, ou par la parabole, et leur jet se réglait avec le quart de cercle, comme nous le faisons pour pointer nos mortiers. On trouve dans les auteurs beaucoup de variations sur la portée de ces machines qui ne laissaient pas d’être redoutables par les poids énormes qu’elles pouvaient lancer. Elles tiraient des projectiles rougis ; et l’on s’en est servi pour jeter dans les places des tonnes de matières fécales, et jusqu’à des chevaux morts.

Contre ces puissans moyens d’attaque, les assiégés faisaient des sorties fréquentes, essayaient d’incendier les machines, luttaient contre elles avec d’autres machines, et s’efforçaient d’amortir les efforts du belier. Cependant la défense perdait beaucoup de sa supériorité ; les siéges n’étaient plus intermi-