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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/633

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XÉNOPHON.

au rang d’homotimes par le fils de leur roi et par leur général, ils croiront cette promotion plus solide que si elle était notre ouvrage. Cependant nous ne négligerons rien de ce qui dépend de nous : nous devons par tous les moyens animer leur courage, puisqu’en l’augmentant nous travaillerons pour notre propre utilité. »

Cyrus ayant donc fait apporter les armes et assembler tous ces Perses : « Soldats, leur dit-il, vous êtes tous nés et élevés dans le même pays que nous ; vos corps ne sont pas moins robustes, vos âmes doivent être aussi courageuses. Il est vrai que dans notre patrie vous ne partagiez pas nos prérogatives ; non par aucun motif d’exclusion, mais parce que vous étiez contraints de travailler peur vivre. Aujourd’hui, avec l’aide des Dieux, je m’occuperai de vos besoins. Il ne tient qu’à vous de prendre des armes semblables aux nôtres, de partager les mêmes dangers, et de prétendre aux mêmes récompenses si la victoire couronne notre valeur. Jusqu’à présent vous vous êtes servis, ainsi que nous, de l’arc et du javelot ; mais, moins exercés que des guerriers qui avaient puis de loisir, il n’est pas étonnant que vous fussiez moins adroits. Avec cette armure que voici, nous n’aurons sur vous aucun avantage : chacun aura la poitrine garnie d’une cuirasse, la main gauche armée d’un bouclier tel que nous le portons, et la droite, d’une épée ou d’une hache pour frapper l’ennemi sans craindre que nos coups portent à faux. Quelle autre différence peut-il donc y avoir entre nous que celle de la bravoure ? et, sans doute, sur ce point vous ne vous montrerez pas inférieurs. Avons nous, en effet, plus de motifs que vous pour souhaiter la victoire, qui procure et assure tant de biens ? Nous importe-t-il plus qu’à vous de rechercher cette supériorité qui donne aux vainqueurs toutes les possessions des vaincus ? Vous venez de m’entendre, dit Cyrus en finissant : vous voyez ces armes ; prenez-les si elles vous conviennent, et faites-vous inscrire chez vos taxiarques, au même rang que nous. Que ceux qui se plaisent dans la classe des mercenaires, gardent les armes convenables à cet état. » Ainsi parla Cyrus. Les Perses jugeant, d’après ce discours, que s’ils ne consentaient pas à partager le sort des homotimes et à remplir les mêmes obligations, ils mériteraient d’être misérables toute leur vie, se firent tous inscrire ; et tous prirent les armes qui leur étaient offertes.

Cependant, comme les ennemis ne paraissaient pas encore, quoiqu’on dit qu’ils s’avançaient, Cyrus mettait ce temps à profit pour exercer et fortifier ses soldats, pour les former à la tactique, et pour exciter entre eux une émulation guerrière. Avant, tout, il enjoignit aux valets que lui avait donnés Cyaxare, de fournir aux soldats ce dont ils auraient besoin. D’après cette précaution, ils n’avaient plus qu’à s’occuper de la guerre. Convaincu qu’on n’excelle dans un art qu’en donnant toute son application sans la partager entre plusieurs objets, il leur interdit arc et le javelot, et ne leur laissa que l’épée, le bouclier et la cuirasse. Il les mettait ainsi dans la nécessité de fondre tous ensemble sur l’ennemi, ou d’avouer leur inutilité à l’égard de leurs compagnons d’armes ; aveu humiliant pour des hommes qui savent qu’on ne les solde que sous la condition de défendre ceux qui les emploient.

Il avait encore observé que les hommes aiment de préférence tout ce qui est