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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/652

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LA CYROPÉDIE, LIV. III.

ces Chaldéens, ordinairement armés d’un bouclier d’osier et de deux javelots, passent pour les plus belliqueux de ces contrées : guerriers et pauvres (car le pays montueux qu’ils habitent est généralement stérile), ils se mettent volontiers à la solde de quiconque a besoin de leurs services.

Lorsque les troupes de Cyrus approchaient de la cime de la montagne, Tigrane, qui marchait à ses côtés, lui dit : « Sais-tu, prince, qu’il nous faudra bientôt combattre ? car les Arméniens ne soutiendront point le choc des Chaldéens. — Je le sais, répondit Cyrus, » en même temps il encouragea les Perses à se préparer à la poursuite de l’ennemi, dès que les Arméniens, en fuyant, l’auraient attiré près d’eux. Les Arméniens continuèrent à monter ; les Chaldéens les voyant approcher, fondent sur eux, à grands cris, selon leur usage : ceux-ci, à leur ordinaire, tournent le dos. Les Chaldéens les poursuivent ; mais bientôt rencontrant le reste des troupes qui montait vers eux, l’épée à la main, quelques-uns qui s’étaient trop avancés sont tués ou faits prisonniers, les autres s’enfuient avec précipitation : bientôt Cyrus fut maître des hauteurs. Dès qu’il y fut arrivé, il découvrit les maisons des Chaldéens, et remarqua que ceux qui étaient plus voisins de la montagne, les abandonnaient. Toutes les troupes étant montées, Cyrus leur ordonna de dîner. Après le repas, ayant observé que dans le lieu fortifié où les Chaldéens avaient placé leur corps-de-garde, on avait de l’eau en abondance, il résolut d’y construire une forteresse. Tigrane eut ordre de mandera à son père qu’il se rendît promptement à l’armée, avec tout ce qu’il pourrait ramasser de charpentiers et de maçons. Le courrier partit ; Cyrus commença l’ouvrage avec ce qu’il avait de travailleurs.

On lui amena sur ces entrefaites plusieurs prisonniers, les uns enchaînés, les autres blessés : il les voit, fait ôter les chaînes aux premiers, et met les blessés entre les mains des médecins, avec ordre de les soigner. Il dit ensuite aux Chaldéens qu’il n’était venu ni pour les détruire ni pour satisfaire une ardeur guerrière, mais dans l’intention d’établir une paix solide entre eux et les Arméniens. « Avant que je me fusse emparé de ces montagnes, ajouta-t-il, vous n’aviez, je le sais, nulle raison de désirer la paix ; vos possessions étaient en sûreté, et vous pouviez piller et ravager celles des Arméniens. Voyez maintenant votre situation. Prisonniers, je vous rends votre liberté ; je vous permets d’aller délibérer avec vos compatriotes et vous décider ou pour la guerre ou pour notre alliance. Optez-vous pour la guerre, ne venez ici que bien armés : si vous préférez la paix, venez sans armes ; je ferai en sorte, si vous devenez nos amis, que vous ne vous trouviez pas mal de notre amitié. » À ces mots, les Chaldéens lui donnèrent de grands éloges, lui baisèrent mille fois les mains, et retournèrent dans leurs habitations.

Quand le roi d’Arménie eut reçu la nouvelle de la victoire et l’ordre de se rendre auprès de Cyrus, il partit avec le plus de diligence possible, amenant quantité d’ouvriers munis de tous les outils nécessaires. « Seigneur, dit-il, en abordant le prince, j’admire comment avec si peu de connaissances de l’avenir nous osons, pauvres humains, former tant de projets. Lorsque je travaillais à recouvrer ma liberté, je suis tombé dans une servitude encore plus dure : prisonnier, je croyais tout perdu, et ma condition devient plus belle qu’elle ne le fut jamais. Les Chaldéens nous désolaient par de continuels brigandages, et maintenant ils sont réduits à l’état où je