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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/66

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Alexandre, en voyant l’ennemi se livrer entre mes mains. » Paroles adroites qui, circulant dans l’armée, furent regardées par le soldat comme un gage assuré de la victoire, et détournèrent son attention du spectacle aussi rare qu’effrayant que lui présentaient les troupes innombrables de Darius.

Alexandre rangea les siennes en bataille, en formant une première ligne dont la droite était composée de la cavalerie des Hétaires. Cette cavalerie s’appuyait sur l’Agema (les Argyraspides), et sur l’infanterie pesante, composée de deux phalanges complètes, divisées chacune en quatre grandes sections. Six de ces sections occupèrent le front de bataille, et deux autres, mises en seconde ligne, furent remplacées par des peltastes armés plus légèrement que les phalangites, mais non moins estimés qu’eux, et dont Alexandre avait deux corps assez considérables. L’aile gauche était flanquée de la cavalerie des Thessaliens et de celle des alliés.

Il ne devenait pas douteux que ces soldats si supérieurs aux Perses, par la bonté de leurs armes et l’excellence de leur tactique, ne réussissent à se faire jour partout où ils se présenteraient, et que si l’on parvenait à percer la ligne ennemie la confusion se mettrait bientôt dans tous les rangs.

Mais l’armée de Darius débordait de plus de moitié la ligne de bataille d’Alexandre, et c’est dans les dispositions savantes que prit ce prince pour garantir ses flancs et ses derrières, qu’il fit preuve d’une rare sagacité. À côté et devant les compagnies royales, Alexandre plaça une ligne de troupes légères, composée d’une partie des Agriens, des archers de Macédoine, et de vieilles bandes étrangères ; à une petite distance en avant de cette ligne, il posta la cavalerie légère et les Péoniens ; il forma ensuite une troisième ligne en avant de celle-ci, avec la cavalerie étrangère, qui eut ordre de prendre l’ennemi en flanc, s’il cherchait à les tourner.

Les précautions d’Alexandre pour garantir son aile gauche, n’étaient pas moins ingénieuses. Il y plaça un corps de cavalerie grecque avec ordre de faire un quart de conversion, pour prendre en flanc la cavalerie ennemie, dès qu’elle serait en marche ; et comme ce corps était trop faible pour résister à tout l’effort de cette nombreuse cavalerie, il le fit soutenir par l’infanterie légère des Thraces, laquelle, jointe à deux escadrons, décrivait une ligne oblique dont un bout tenait à la cavalerie thessalienne.

Alexandre composa une seconde ligne, de la moitié des peltastes, avec deux sections de la phalange, et leur ordonna de converser vers l’aile où ils verraient les troupes combattre avec peu de succès. Cette manœuvre à laquelle les Perses ne pouvaient s’attendre, et que probablement ils n’auraient pas comprise, devait, certes, suffire pour les empêcher d’inquiéter les derrières de sa première ligne de bataille ; car c’était avec elle qu’Alexandre comptait enfoncer les gros bataillons de Darius.

Nous avons dit que dans l’armée de ce monarque, les corps de cavalerie et d’infanterie se présentaient sur une grande profondeur, mêlés ensemble, et que la plaine située entre le Tigre et les montagnes Gordiennes, toute vaste qu’elle était, ne put les contenir sur un seul front. Darius, placé au centre, suivant la coutume des rois persans, et appuyé sur l’infanterie grecque à sa solde, la seule qu’il pût opposer à la phalange macédonienne, s’était encore fortifié de deux cents chariots armés de faux, et de quinze éléphans.

Alexandre n’aborda pas les ennemis de front, il tira vers sa droite en marchant

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