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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/665

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XÉNOPHON.

Dieux, des ambassadeurs hyrcaniens. Cette nation est voisine de l’Assyrie, et, peu nombreuse, elle avait subi la loi du plus puissant : elle passait et passe encore aujourd’hui pour fournir d’excellens hommes de cheval. Aussi les Assyriens se servaient d’eux comme les Lacédémoniens se servent des Scirites, ne leur épargnant ni fatigues, ni dangers. Dans leur dernière déroute, ils en avaient placé à la queue de leur arrière garde environ mille, afin que si l’ennemi tombait sur les derrières, ils en essuyassent le premier choc. Les Hyrcaniens marchaient aussi les derniers de l’armée, ayant avec eux leurs chariots et leur famille, suivant la coutume de la plupart des nations asiatiques, lorsqu’elles vont à la guerre, car ils avaient adopté cet usage. Réfléchissant donc sur les mauvais traitemens qu’ils essuyaient, considérant de plus que le roi d’Assyrie était mort, qu’ils étaient défaits, que la terreur était générale parmi les troupes, que leurs alliés se décourageaient et les abandonnaient, ils jugèrent l’occasion favorable pour se révolter, pourvu que Cyrus voulût, de concert avec eux, attaquer l’ennemi commun. Dans ce dessein, ils députèrent vers Cyrus, dont la dernière bataille avait rendu le nom très célèbre.

Les envoyés lui exposèrent les motifs de leur haine contre les Assyriens, lui offrirent, s’il voulait marcher contre eux, de le seconder et de lui servir de guides. Ils s’étendirent, pour l’exciter fortement à cette entreprise, sur l’état présent des ennemis. Cyrus leur demanda s’ils pensaient qu’on pût les joindre avant qu’ils gagnassent leurs forteresses ; car, ajouta-t-il pour leur donner une haute idée des Perses, nous regardons comme un revers que les ennemis nous aient échappé. Les envoyés répondirent qu’on les joindrait en partant le lendemain de grand matin ; que leur nombre et l’embarras des chariots rendaient leur marche pesante ; que de plus, n’ayant point reposé la nuit précédente, ils n’avaient fait qu’une petite traite. — Quelle assurance, reprit Cyrus, nous donnerez-vous que vous dites la vérité ? — Si demain, répliquèrent-ils, nous partons à la pointe du jour, nous vous amenons des otages : engagez-nous seulement votre foi en présence des Dieux, et tendez-nous la main afin que nous portions à nos compatriotes ces gages de votre parole. » Cyrus jura que s’ils tenaient leurs promesses, il les regarderait comme des fidèles amis et ne les traiterait pas moins bien que les Perses et les Mèdes. Encore aujourd’hui l’on voit les Hyrcaniens jouissant d’une grande confiance et admis à tous les emplois comme les Mèdes et les Perses les plus considérés.

Les troupes avaient soupé et il était encore jour : Cyrus leur ordonna de sortir de leurs tentes, et pria les ambassadeurs hyrcaniens de demeurer pour les accompagner. Tous les Perses, comme cela devait être, furent bientôt hors du camp, ainsi que Tigrane et ses Arméniens. Les Mèdes venaient en foule s’offrir à Cyrus : les uns, parce qu’ils avaient été ses amis dans son enfance ; les autres, parce qu’en chassant avec lui ils n’avaient eu qu’à se louer de sa douceur ; ceux-ci lui savaient gré de les avoir délivrés d’un grand effroi ; ceux-là, en le voyant vertueux, espéraient qu’un jour il deviendrait monarque heureux, grand et puissant ; d’autres voulaient s’acquitter des services qu’il leur avait rendus dans le temps de son éducation chez les Mèdes ; et certes il avait fait beaucoup d’heureux à la cour d’Astyage, tant il aimait à obliger. L’espoir du butin en attirait d’autres : le bruit s’était répandu que les Hyrcaniens qu’ils