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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/671

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XÉNOPHON.

d’avoir un corps de cavalerie nationale. Peut-être trouvez-vous de la difficulté à le former : examinons donc et les moyens que nous avons, et ce qui nous manque. On a pris dans le camp, grand nombre de chevaux, des freins pour les conduire, et les autres harnais nécessaires : nous y trouvons aussi ce qu’il faut pour armer un cavalier, des cuirasses pour couvrir le corps, des javelots, soit pour les lancer, soit pour les tenir à la main. Que faut-il de plus ? des hommes ? C’est ce qui nous manque le moins ; car rien n’est plus à nous que nous-mêmes. On m’objectera peut-être que nous ne savons pas manier un cheval : j’en conviens ; mais ceux qui le savent maintenant, l’ignoraient avant de l’avoir appris. Ils se sont formés dès leur jeunesse, me direz-vous encore. Eh quoi ! les enfans ont-ils plus de disposition que les hommes faits, pour apprendre ce qu’on leur dit ou qu’on leur montre ? Et lesquels, des hommes faits ou des enfans, sont les plus capables d’exécuter ce qu’ils ont appris ? J’ajoute que nous avons plus de loisir que les enfans et la plupart des autres hommes. Nous ne sommes point obligés, comme les premiers, d’apprendre à tirer de l’arc, nous le savons depuis long-temps ; ni à lancer le javelot, nous le savons aussi. Nous n’avons pas les mêmes entraves que la plupart des hommes, qui sont contraints, ceux-ci de cultiver la terre, ceux-là d’exercer un métier, d’autres de veiller à leurs affaires domestiques. Pour nous, nous sommes soldats par état ; nous le sommes encore par nécessité. De plus, il n’en est pas ici comme de certaines pratiques militaires, qui sont utiles, mais pénibles. N’est-il pas, en effet, plus doux de voyager à cheval qu’à pied ? n’est-il pas agréable de pouvoir, dans une occasion qui exige de la célérité, voler au secours d’un ami ; de pouvoir atteindre à la course un animal, un homme ? N’est-il pas commode de charger son cheval de ses armes ? c’est les avoir sans cesse sous la main. On pourrait appréhender que, s’il faut combattre ainsi avant de savoir manier nos chevaux, nous ne cessions d’être bons fantassins, sans être devenus bons cavaliers. Il est encore facile de dissiper cette crainte : nous serons libres de combattre à pied, quand nous le voudrons ; et il n’y a pas d’apparence que les leçons d’équitation nous fassent oublier les manœuvres de l’infanterie. »

Lorsque Cyrus eut fini son discours : « Seigneur, dit Chrysante, je brûle d’apprendre à monter à cheval ; je me figure que, devenu bon cavalier, je serai un homme ailé. Maintenant quand je cours contre un homme but à but, je m’estime heureux si je le précède seulement de la tête : je suis content, si voyant un animal fuir devant moi, je parviens en courant à l’approcher assez pour l’atteindre d’un javelot ou d’une flèche, avant qu’il soit trop éloigné. Quand je serai homme de cheval, je pourrai porter la mort à un ennemi, à quelque distance que je l’aperçoive : si je poursuis des bêtes fauves, je les joindrai d’assez près, les unes pour les percer de la main, les autres pour les ajuster aussi sûrement que si elles étaient immobiles : car quelque agiles que soient deux animaux, lorsqu’ils s’approchent, ils sont l’un à l’égard de l’autre comme privés de mouvement. Aussi entre les êtres animés, n’en est-il pas à qui j’aie porté plus d’envie qu’aux hippocentaures, s’il est vrai qu’ils aient existé avec la prudence