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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/676

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LA CYROPÉDIE, LIV. IV.

ble que de s’en retourner. Parlez-lui aussi des grands biens qui nous attendent nous et nos amis, si les choses se passent heureusement. Quand vous vous serez acquitté de cette commission, revenez vers moi. »

Pendant que l’Hyrcanien conduisait le Mède à la tente qu’il lui destinait, le Perse, qui avait ordre d’aller dans son pays, se présenta tout prêt à partir. Cyrus lui recommanda de nouveau de rendre compte à ses compatriotes de ce qu’il venait d’entendre, et le chargea d’une lettre pour Cyaxare. Je veux vous la lire, ajouta-t-il, afin que vous sachiez ce qu’elle contient, et que vous répondiez aux questions qu’il pourrait vous faire. La lettre était conçue en ces termes :

« Cyrus à Cyaxare, salut. Nous ne vous avons point abandonné ; car on n’est point abandonné de ses amis lorsque, par leur courage, on triomphe de ses ennemis. Loin que notre départ vous ait exposé à quelque danger, nous avons assuré votre repos d’autant plus sûrement que nous nous sommes plus éloignés de vous. Ce n’est pas en restant oisifs auprès de ses amis qu’on pourvoit à leur sûreté ; c’est en repoussant leurs ennemis le plus loin qu’il est possible qu’on les met à l’abri du péril. Vous vous plaignez, Cyaxare ; considérez, je vous prie, quelle a été ma conduite envers vous, et quelle est la vôtre envers moi. Je vous ai amené des auxiliaires, moins, à la vérité, que vous n’en demandiez, mais autant que j’en ai pu rassembler. Pendant que j’étais sur les terres de votre obéissance, vous m’avez permis d’emmener ceux de vos soldats que je pourrais engager à me suivre : maintenant que je suis en pays ennemi, vous rappelez auprès de vous, non pas seulement ceux des Mèdes qui souhaiteraient de s’en retourner, mais tous sans exception. J’avais compté partager ma reconnaissance entre vous et vos sujets ; vous me forcez à vous oublier et à la réserver toute entière pour ceux qui ont bien voulu m’accompagner. Je ne puis néanmoins me résoudre à vous imiter : j’envoie en Perse solliciter un renfort, et j’ordonne que les troupes destinées à venir joindre mon armée commencent par s’informer si elles peuvent vous être utiles, en sorte que vous en disposiez à votre gré et sans leur aveu. Quoique plus jeune, je hasarderai de vous donner des conseils. Ne retirez jamais le don que vous aurez fait, de peur que l’inimitié ne prenne la place de la reconnaissance. Lorsque vous désirerez qu’on se rende promptement auprès de vous, que votre ordre ne soit pas accompagné de menaces : gardez-vous surtout d’en faire à une multitude, en observant que vous êtes seul ; vous lui apprendriez à vous mépriser. Au reste, nous tâcherons de vous rejoindre dès que nous aurons exécuté des projets dont le succès sera également avantageux et à vous et à nous. Portez-vous bien. » « Remettez cette lettre à Cyaxare, continua Cyrus ; et s’il vous questionne, réglez votre réponse sur ce que je lui écris : vous vous conduirez de même avec les Perses. » Après avoir instruit son envoyé, il lui donna la lettre ; et en le congédiant : « Faites diligence, lui dit-il, vous savez combien il importe que vous soyez promptement de retour. »

Déjà les Hyrcaniens et les soldats de Tigrane étaient sous les armes, ainsi que les Perses. Tandis que Cyrus considérait leur tenue, arrivèrent quelques habitans du voisinage, qui amenaient des chevaux et apportaient leurs armes. Cyrus ordonna de jeter les javelots au

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