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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/709

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XÉNOPHON.

bardés et les cavaliers cuirassés, fit construire cent chars semblables à ceux des Perses, tira de sa cavalerie les chevaux nécessaires aux attelages ; il voulut même les conduire en personne, monté sur un char à quatre timons, qui serait traîné par huit chevaux. De son côté, Panthée, son épouse, fit faire avec ses bijoux, une cuirasse, un casque et des brassards d’or pour Abradate ; elle y joignit des bardes d’airain pour couvrir les chevaux du char.

Telle était la conduite d’Abradate. Cyrus, en voyant ce char à quatre timons, imagina qu’il serait possible d’en ajuster huit à un seul chariot, auquel seraient attelées huit paires de bœufs, pour traîner certaines machines en forme de tours, d’environ dix-huit pieds d’élévation, y compris la hauteur des roues. Il pensait que ces tours, placées derrière les rangs, protégeraient puissamment sa phalange et incommoderaient l’ennemi. Il y avait pratiqué des galeries et des crénaux : chaque tour renfermait vingt hommes. Quand tout fut prêt, il essaya de les faire aller, et les seize bœufs traînaient plus aisément une tour avec les vingt hommes, que deux bœufs ne traînent un chariot de bagage. La charge ordinaire de ces chariots est, pour deux bœufs, du poids d’environ vingt-cinq talens ; et les tours de Cyrus, quoique d’un bois aussi épais que celui qu’on emploie à la construction des théâtres tragiques, quoique garnies de vingt soldats avec leurs armes, donnaient moins à traîner à chaque paire de bœufs, que le poids de quinze talens. Cyrus, assuré de la facilité de transporter ces tours, résolut d’en avoir à la suite de son armée ; persuadé qu’à la guerre, prendre ses avantages, c’est faire une chose permise et se procurer des moyens de salut et de prospérité.

Chap. 2. Dans ce même temps arrivèrent les ambassadeurs Indiens qui apportaient de l’argent à Cyrus ; ils lui adressèrent ce discours de la part de leur maître : « Je suis fort aise que tu m’aies instruit de tes besoins ; je veux former avec toi des liaisons d’hospitalité. Je t’envoie une somme d’argent ; si elle ne suffit pas, fais le moi savoir : mes ambassadeurs ont ordre de t’obéir en tout. — Eh bien, répondit Cyrus, que quelques-uns d’entre vous restent dans les tentes, gardant les richesses que vous m’apportez, et vivant le plus agréablement possible : que trois seulement passent chez l’ennemi, comme pour l’inviter à s’allier au roi de l’Inde, mais en effet pour observer ce qu’il dit, ce qu’il fait, et nous en informer, le monarque indien et moi. Si vous vous acquittez bien de cette commission, je vous en serai plus obligé que de votre argent : car nos espions déguisés en esclaves, ne peuvent nous apprendre que ce qui est su de tout le monde ; au lieu que des gens tels que vous devinent souvent les plus secrètes résolutions. » Les Indiens accueillirent cette proposition, ils furent traités en amis ; et, après avoir tout préparé pour leur voyage, ils partirent le lendemain, avec promesse de revenir aussitôt qu’ils se seraient instruits, autant qu’ils le pourraient, de la situation des ennemis.

Cependant Cyrus faisait ses préparatifs pour la guerre en homme qui ne conçoit pas des projets vulgaires. Il ne se bornait pas aux moyens approuvés par les alliés ; il excitait encore entre des amis une noble rivalité, le désir d’avoir de plus belles armes, de savoir le mieux manier son cheval, lancer un dard, tirer une flèche, supporter la fatigue : il y réussit en les conduisant à la chasse, en distribuant des récompenses à ceux qui se distinguaient. Les officiers