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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/723

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XÉNOPHON.

les chars qui portaient Abradate et ses compagnons ayant versé, par un saut que firent les roues, à la rencontre des monceaux de débris et de cadavres, ces braves guerriers moururent percés de coups, après une vigoureuse résistance. Les Perses qui les suivaient, étant entrés dans les bataillons égyptiens, par l’ouverture qu’Abradate y avait faite, les surprirent en désordre, et en firent un grand carnage. Mais bientôt ceux des Égyptiens qui n’avaient point encore souffert, et c’était le grand nombre, s’avancèrent contre les Perses.

Le combat devint terrible par l’effet meurtrier des piques, des javelots, des épées. Les Égyptiens avaient sur les Perses, outre l’avantages du nombre, celui des armes : leurs piques, semblables à celles qu’ils ont encore aujourd’hui, étaient longues et fortes ; les grands boucliers qu’ils portaient attachés à l’épaule, étaient bien plus propres à couvrir le corps et à repousser les coups, que les cuirasses ou les boucliers ordinaires. Ils avancèrent couverts de ces énormes pavois qu’ils tenaient entrelacés, poussant vivement les Perses, qui n’ayant à leur opposer que les petits boucliers d’osier qu’ils tenaient à la main, furent contraints de plier : il reculèrent, mais sans tourner le dos à l’ennemi, tour-à-tour frappant et frappés, jusqu’à ce qu’ils fussent à l’abri de leurs tours. Là, les Égyptiens, du haut de ces tours roulantes, essuyèrent une grêle de traits : en même temps, les troupes perses, qui étaient en dernière ligne, arrêtèrent les archers et les autres gens de trait qui se retiraient, et les forcèrent, l’épée à la main, de lancer leurs dards et leurs flèches. Le carnage fut horrible : l’air retentissait au loin du bruit des armes, du sifflement des traits, des cris confus des soldats, dont les uns appelaient leurs camarades, les autres s’encourageaient, d’autres imploraient les dieux.

Cependant Cyrus arriva, poursuivant tout ce qui se présentait devant lui : il fut vivement affligé de voir que les Perses avaient lâché pied ; mais jugeant que le moyen le plus prompt d’arrêter les progrès des Égyptiens, était de les prendre par derrière, il ordonne à sa troupe de le suivre, tourne vers la queue, tombe sur eux sans être aperçu, en tue un grand nombre. À cette irruption imprévue, les Égyptiens s’écrient, nous sommes attaqués par derrière : alors ils se retournent, quoique couverts de blessures ; infanterie, cavalerie, tout se mêle et combat ensemble. Un soldat renversé et foulé aux pieds du cheval de Cyrus, enfonce son épée dans le ventre de l’animal, qui se sentant blessé, se cabre et renversé le prince. On vit alors combien il importe à un chef d’être aimé de ceux qu’il commande. Un cri général se fait entendre ; on se précipite avec fureur sur l’ennemi ; on pousse, on est repoussé ; on porte des coups, on en reçoit : enfin, un garde de Cyrus saute de son cheval, et remonte le prince, qui reconnaît que les Égyptiens sont battus de toutes parts. Hystaspe et Chrysante venaient d’arriver avec la cavalerie perse : Cyrus leur ordonne de ne pas presser davantage la phalange égyptienne, mais de la fatiguer de loin à coups de flèches et de dards. Pour lui, il pique vers les machines : là, il imagina de monter sur une des tours, pour découvrir s’il ne restait plus de troupes ennemies qui tinssent encore. De la plate-forme, il vit la plaine couverte de chevaux, d’hommes, de chars, de fuyards, de poursuivans, de vainqueurs, de vaincus, et remarqua que les Égyptiens étaient les seuls des ennemis qui n’eussent pas plié. Eux-mêmes enfin, restés sans ressource, formèrent un cercle, présentant leurs