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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/725

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XÉNOPHON.

qui semblait être la plus escarpée. Le projet fut exécuté par le moyen d’un Perse qui, ayant été au service d’un des gardes de la place, connaissait le chemin de la citadelle au fleuve.

À la nouvelle que l’ennemi était maître de la citadelle, les Lydiens abandonnèrent leurs murailles et cherchèrent leur salut dans la fuite. Dès que le jour parut, Cyrus entra dans la ville, et défendit que personne s’écartât de son rang. Crésus, de son palais où il s’était enfermer, appelait Cyrus à grands cris : mais ce prince se contentant de laisser auprès de lui une garde, tourna ses pas vers la citadelle, dont ses troupes s’étaient emparées. Il y trouva les Perses dans l’état où ils devaient être, occupés à garder la place : mais il ne vit que les armes des Chaldéens (ils s’étaient débandés pour aller piller les maisons de la ville) : il mande aussitôt leurs chefs, et leur ordonne de se retirer sur-le-champ de l’armée : « Je ne souffrirai point, leur dit-il, que des gens qui manquent à la discipline, aient plus de part au butin que leurs camarades. Apprenez que pour vous récompenser de m’avoir suivi dans cette expédition, j’avais résolu de vous rendre les plus riches des Chaldéens : mais partez, et ne soyez pas surpris si vous êtes attaqués dans votre route, par un ennemi qui vous sera supérieur en force. » Les Chaldéens effrayés de ce discours, conjurèrent Cyrus de calmer sa colère, et offrirent de rapporter tout ce qui avait été pris. « Je n’en ai nul besoin pour moi, répondit Cyrus ; mais si vous voulez m’apaiser, donnez tout ce butin aux soldats qui sont demeurés à la garde de la citadelle : quand l’armée saura que ceux qui ne quittent point leur poste, ont un meilleur traitement que les autres, tout en ira mieux. » Les Chaldéens obéirent ; et les soldats fidèles à leur devoir, profitèrent de ce riche pillage. Cyrus, ayant fait camper ses troupes dans l’endroit de la ville qui lui parut les plus convenable, leur ordonna de rester armées pendant leur repas.

Ces choses terminées, il fit amener Crésus en sa présence. Dès que le roi de Lydie aperçut son vainqueur : « Je te salue, mon maître, lui dit-il ; car la fortune t’assure désormais ce titre, et me réduit à te le donner. — Je te salue aussi, répondit Cyrus, puisque tu es homme ainsi que moi. Voudrais-tu me donner un conseil ? — Puissé-je, dit Crésus, te conseiller utilement ! je croirais travailler pour mes propres intérêts. — Écoute-moi donc, reprit Cyrus : mes soldats, après avoir essuyé des fatigues et des périls sans nombre, se voient les maîtres de la plus opulente ville de l’Asie, si on en excepte Babylone ; il me paraît juste qu’ils recueillent le fruit de leurs travaux : s’il ne leur en revenait aucun, je doute que je pusse compter bien long-temps sur leur obéissance. Je ne veux cependant pas leur laisser le pillage de la place : outre qu’elle serait vraisemblablement ruinée sans ressource, les méchans auraient la meilleure part au butin. — Permets-moi, répartit Crésus, de dire aux Lydiens, à mon choix, que j’ai obtenu de toi que la ville ne soit point pillée ; qu’on ne les sépare ni de leurs femmes, ni de leurs enfans ; que je t’ai promis, pour prix de cette grâce, qu’ils t’apporteront d’eux-mêmes tout ce que Sardes renferme de précieux et de beau. Je suis certain qu’une fois instruits de cette convention, ils s’empresseront, hommes et femmes, de t’offrir tous les effets de quelque valeur qu’ils ont en leur possession. Une autre année, tu retrouveras la ville rempli de la même quantité de richesses ; au lieu qu’en la livrant à l’avidité du soldat, tu détruirais