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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/729

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XÉNOPHON.

places qui résisteraient. Il envoya une armée en Carie, sous les ordres du perse Adusius, qui ne manquait ni de prudence, ni de talent pour la guerre, et de plus avait le don de persuader. Les Ciliciens et les Cypriens suivirent de leur plein gré Adusius dans cette expédition ; ce qui fit que Cyrus ne leur donna jamais de satrape perse, et permit qu’ils fussent gouvernés par des princes de leur nation. Il se contenta de leur imposer un tribut, et au besoin, l’obligation du service militaire.

Dès qu’Adusius fut arrivé en Carie avec ses troupes, quelques envoyés des deux factions vinrent lui offrir de lui ouvrir leurs forteresses, à condition qu’il les aiderait à subjuguer la faction contraire. Le général perse observa la même conduite avec les députés de l’un et de l’autre parti, toujours approuvant les raisons de ceux qui lui parlaient, et leur recommandant également de tenir secrète leur intelligence avec lui, afin de prendre leurs ennemis au dépourvu. Il demanda qu’un serment réciproque fût le sceau de leur accord, et que les Cariens s’engageassent à recevoir de bonne foi ses troupes dans leurs murs, pour le bien de Cyrus et des Perses. Il promettait, lui, d’y entrer sans mauvais dessein, uniquement pour l’avantage de ceux qui le recevraient. Après avoir pris ces précautions, et assigné aux deux partis, à l’insu l’un de l’autre, la même nuit pour l’exécution de son projet, il fut introduit dans leurs forteresses et s’y établit.

Quand le jour fut venu, assis au milieu de son armée, il demanda les chefs les plus accrédités des deux factions. Ces chefs se regardant les uns les autres avec des yeux qui marquaient leur dépit, ne doutèrent pas qu’on les eût trompés. Adusius les rassura : « Je vous ai promis avec serment, leur dit-il, d’entrer dans vos châteaux sans dessein de vous nuire, et uniquement pour l’avantage de ceux qui m’y recevraient. Si j’opprime l’un ou l’autre parti, je croirai être venu pour la ruine des Cariens ; mais si je rétablis la paix entre vous, si je vous procure la liberté de cultiver tranquillement vos héritages, je pourrai dire n’avoir agi que pour votre bien. Dès ce jour vivez donc en bonne intelligence ; labourez paisiblement vos terres ; unissez vos familles par des alliances. Quiconque enfreindra ce règlement, aura pour ennemis Cyrus et les Perses. » Dès ce moment, les portes des châteaux furent ouvertes, les chemins remplis de gens qui allaient se visiter mutuellement, les campagnes couvertes de laboureurs : les deux partis se réunissaient pour célébrer des fêtes ; partout régnaient l’allégresse et la paix. Les choses étaient en cet état, lorsque Cyrus envoya demander au général Adusius s’il n’avait pas besoin de nouvelles troupes ou de quelques machines. Aducius répondit que son armée pouvait même être employée ailleurs : en effet, il la fit sortir du pays, laissant seulement des garnisons dans les châteaux. Les Cariens le pressèrent avec instance de ne les point quitter ; et ne pouvant le retenir, ils envoyèrent prier Cyrus de le leur donner pour gouverneur.

Pendant l’expédition de Carie, Cyrus avait envoyé Hystaspe, à la tête d’une armée, dans la Phrygie voisine de l’Hellespont. Dès qu’Adusius fut de retour, il reçut ordre de prendre la même route, avec les troupes qu’il ramenait, afin que les peuples de ces contrées, sur le bruit de l’arrivée d’un renfort, se soumissent plus promptement à Hystaspe. Les Grecs qui habitaient les bords de la