Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/748

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
747
LA CYROPÉDIE, LIV. VIII.

un nouveau moyen qu’il employa pour rendre son autorité plus respectable. La veille de la cérémonie, il manda les chefs, tant des Perses que des alliés, et leur donna des robes à la mode des Mèdes. Ce fut alors que commença l’usage de l’habillement médique chez les Perses. En faisant cette distribution, il leur dit qu’il voulait aller visiter avec eux les champs consacrés aux immortels, et y offrir des sacrifices : « Demain, ajouta-t-il, vêtus de vos nouvelles robes, rendez-vous, avant le lever du soleil, aux portes de mon palais, et placez-vous dans l’ordre que Phéraulas vous indiquera. Lorsque je sortirai, vous me suivrez au lieu qui aura été désigné. Si quelqu’un imagine une marche plus pompeuse, il me communiquera ses idées, à notre retour ; car il faut que tout soit réglé de la manière qui vous paraîtra la plus digne et la plus noble. » Après avoir distribué aux principaux chefs les plus belles robes, il en fit apporter un grand nombre d’autres, des plus riches couleurs, comme le pourpre, le brun, l’incarnat, l’écarlate, qu’on avait préparées par ses ordres, et les partagea entre tous les capitaines, en leur disant : « Parez vos amis, comme je viens de vous parer. — Et toi, seigneur, lui dit l’un d’eux, quand songeras-tu à ta parure ? — Le soin que je prends de la vôtre, répondit-il, n’est-il pas pour moi un assez bel ornement ? Certes, si je puis parvenir à vous combler de biens, de quelque habit que je sois revêtu, je paraîtrai toujours magnifique. » Les chefs, s’étant retirés, mandèrent leurs amis et leur distribuèrent les robes.

Cyrus avait reconnu dans le plébéien Phéraulas un homme intelligent, curieux du beau, ami de l’ordre et jaloux de lui plaire : c’était ce même Perse qui avait appuyé l’avis proposé par le prince de régler les récompenses sur le degré du mérite. Il le manda, et le consulta sur ce qu’il y avait à faire pour que la marche fût à-la-fois un spectacle agréable aux sujets bien intentionnés, et propre à inspirer de la terreur aux malveillans. Dès qu’ils furent tombés d’accord sur les moyens, il le chargea de veiller le lendemain à l’exécution de ce qu’ils venaient d’arrêter. « J’ai ordonné, ajouta Cyrus, qu’on fît tout ce que tu prescriras : mais afin qu’on t’obéisse plus volontiers, prends ces robes, et distribue-les aux chefs des doryphores ; prends ces manteaux, pour les donner aux commandans de la cavalerie, et ces autres robes, que tu donneras aux conducteurs des chars. » Phéraulas partit et emporta les présens. En le voyant, chacun des chefs lui disait : « Certes, Phéraulas, te voilà devenu un homme important, puisque c’est de toi que nous apprendrons ce qu’il faut faire. — Pas autant que tu le penses, répondit Phéraulas, puisque désormais je serai chargé de votre bagage : aujourd’hui, voici deux manteaux que je porte ; l’un est pour toi, l’autre pour un de tes camarades ; prends celui des deux qui te conviendra le plus. » La jalousie de l’officier ne tenait pas contre le don d’un manteau ; il finit par le consulter lui-même, pour savoir lequel des deux il prendrait. Lorsque Phéraulas lui eut indiqué le meilleur : « Si tu te vantes, lui dit-il, que je t’aie donné le choix, tu ne me trouveras pas, dans une pareille occasion aussi accommodant. » La distribution finie, conformément à l’ordre de Cyrus, il s’occupa des autres dispositions, afin qu’il ne manquât rien à la magnificence de la marche.

Tout fut prêt le lendemain, avant que le jour parût. On avait posé des barrières des deux côtés du chemin, comme on le pratique encore à présent dans les