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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/750

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LA CYROPÉDIE, LIV. VIII.

voya dire par ses eunuques (il en avait toujours trois à chaque côté de son char pour porter ses ordres), de s’adresser à ses officiers, qui lui rendraient compte des demandes. Aussitôt la foule de retourner vers la cavalerie, et chacun de délibérer à qui il s’adresserait. Alors Cyrus manda l’un après l’autre ceux de ses amis dont il voulait augmenter la considération, et leur dit : « Si ces gens qui nous suivent, viennent vous faire des demandes déraisonnables, n’y ayez aucun égard ; si elles sont justes, vous me les communiquerez, afin que nous avisions ensemble aux moyens d’y satisfaire. » Ceux que le prince faisait ainsi appeler, accouraient à lui de toute la vitesse de leurs chevaux ; et leur promptitude à obéir, ajoutait encore à l’éclat de sa puissance. Le seul Daïpharne, homme d’un caractère dur, s’imagina qu’en obéissant avec moins de célérité, il se donnerait un air d’indépendance : Cyrus le remarqua ; et avant que Daïpharne se fût approché de son char, il lui fit dire par un des eunuques qu’il n’avait plus besoin de lui : il ne le demanda jamais depuis. Un autre qui n’avait été averti qu’après Daïpharne, étant arrivé avant lui, reçut de Cyrus en présent, un des chevaux qui marchaient à sa suite ; et l’un des eunuques eut ordre de mener le cheval où l’officier voudrait. Les assistans sentirent tout le prix de cette faveur, et dès lors l’en considérèrent bien davantage.

Lorsqu’on fut arrivé aux champs consacrés aux Dieux, on sacrifia d’abord à Jupiter des taureaux qui furent brûlés en entier ; puis au Soleil des chevaux qui furent consumés de même : on offrit ensuite des victimes à la Terre, suivant les rits ordonnés par les mages ; enfin, aux héros protecteurs de la Syrie. Les sacrifices achevés, comme le lieu était agréable, Cyrus marqua un espace d’environ cinq stades, et commanda aux corps de cavalerie, divisés par nations, de parcourir cette carrière au grand galop. Lui-même courut avec les Perses, et remporta la victoire ; car il s’était exercé plus qu’aucun d’eux à monter à cheval. Entre les Mèdes, Artabate, le même à qui Cyrus avait donné un cheval, fut le vainqueur : entre les Syriens, ce fut leur chef ; entre les Arméniens, Tigrane ; entre les Hyrcaniens, le fils de leur commandant ; entre les Saces, un simple cavalier, dont le cheval devança les autres de presque la moitié du drome.

On rapporte que Cyrus lui ayant demandé s’il voudrait échanger son cheval contre un royaume : « Non certes, répondit-il ; mais je le donnerais volontiers pour acquérir l’amitié d’un brave homme. — Eh bien, reprit Cyrus, je veux te montrer un endroit où tu ne pourrais rien jeter, même les yeux fermés, sans toucher un brave homme. — Montre-le-moi cet endroit, Seigneur, répartit le jeune Sace, afin que j’y lance cette motte de terre ; » et en disant cela, il la ramassait. Cyrus lui montra le lieu où était la plus grande partie de ses amis : le Sace fermant les yeux, y jette sa motte, et atteint Phéraulas, qui exécutait une commission du prince. Phéraulas frappé, loin de tourner la tête, et continua d’aller où son devoir l’appelait. Le jeune homme ouvrant les yeux, demanda qui il avait touché. « Aucun de ceux qui sont ici, dit Cyrus. — Encore moins, répliqua le Sace, quelqu’un de ceux qui n’y sont pas. — Cependant, répartit Cyrus, c’est celui que tu vois courir à cheval avec tant de vitesse, par-delà les chars. — Comment ne s’est-il pas même retourné ? — Il paraît que c’est un fou, » répondit Cyrus. Le Sace le part aussitôt pour voir qui il avait