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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/782

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ARRIEN, LIV. I.

nemi, est le premier qui, sans attendre l’ordre d’Alexandre, attaque, force et enlève les défenses avancées des Thébains. Il est suivi par Amyntas, fils d’Andromène, dont la cohorte était à côté de la sienne, et qui pénètre avec lui. Aussitôt Alexandre, pour ne pas laisser envelopper les siens, ébranle le reste de l’armée, détache à Perdiccas les hommes de trait et les Agriens, et demeure en présence avec l’Agéma et les Hypaspistes. Perdiccas, voulant pénétrer dans le second retranchement, tombe frappé d’un trait ; blessé d’une atteinte profonde, et dont il eut peine à guérir, on le rapporte au camp. Les troupes qui avaient forcé ces retranchemens avec lui, soutenues des archers d’Alexandre, resserrent les Thébains dans un chemin creux qui conduit au temple d’Hercule, et les mènent battant jusqu’à l’enceinte sacrée. Mais là, les Thébains se retournent en poussant de grands cris, et mettent en fuite les Macédoniens. Le toxarque Eurybotas de Crète, est tué avec environ soixante-dix des siens, le reste rétrograde en désordre vers l’Agéma.

À la vue de la retraite de ses troupes, et de la confusion qui règne dans la poursuite des Thébains, Alexandre fait donner la phalange, et les repousse jusque dans leurs murs. La terreur et le désordre des fuyards furent si grands, qu’ils ne songèrent point à fermer les portes ; l’ennemi entre avec eux dans la ville, dégarnie de soldats qui la plupart s’étaient portés aux avant-postes. Les Macédoniens s’étant avancés aux pieds de la citadelle, quelques-uns d’entre eux se réunissent à la garnison et pénètrent dans la ville du côté du temple d’Amphion ; tandis que d’autres, se dirigeant le long des remparts déjà occupés par les leurs, courent s’emparer de la place publique. Les Thébains, qui défendaient le temple d’Amphion, résistèrent d’abord ; mais, enveloppés par les Macédoniens et par Alexandre qu’ils rencontrent de tous côtés, ils se débandent, la cavalerie gagna la campagne, l’infanterie se sauva comme elle put.

Cependant le vainqueur irrité fait un horrible carnage des Thébains qui ne résistent plus. On doit moins l’attribuer aux Macédoniens, qu’à ceux de Platée, de la Phocide et autres de la Béotie. On égorge les uns au sein de leurs foyers, les autres au pied des autels ; la résistance et la prière sont inutiles : on n’épargna ni les femmes, ni les enfans.

Ce désastre des Grecs, cette ruine d’une grande ville, ces malheurs rapides également imprévus des vainqueurs et des victimes, n’épouvantèrent pas moins le reste de la Grèce, que les auteurs de ces calamités.

La défaite des Athéniens en Sicile ne répandit point parmi eux une alarme aussi vive, ni dans la Grèce entière une consternation aussi profonde, quoique le nombre de ceux qui furent tués alors fût une perte aussi considérable que celle éprouvée par les Thebains ; du moins cette armée avait péri au loin sur une terre étrangère, et on y comptait plus d’auxiliaires que de citoyens : enfin Athènes subsistait, et depuis elle résista non-seulement aux Lacédémoniens et à leurs alliés, mais encore au grand roi : et ensuite leur flotte ayant été détruite près de l’Égos-Potamos, on abattit leur longue muraille, on s’empara de leurs vaisseaux, on restreignit leur domination ; là se bornèrent tous leurs malheurs, la cité conserva l’éclat de ses institutions : peu de temps après les Athéniens reprirent leur ancien empire, relevèrent leur longue muraille, et recouvrèrent la domination des mers. Alors, les Lacédémoniens qui leur avaient été si redoutables, et qui avaient