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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/81

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engagée ; il ordonna aux cuirassiers et aux Illyriens de passer le ravin, et de charger l’ennemi. Les deux phalanges et la cavalerie de l’autre aile demeurèrent dans l’inaction, attentives à profiter du moment favorable pour décider la victoire.

Il arriva alors à Philopœmen ce qu’il ne semblait pas avoir prévu. Les Tarentins de Machanidas se conduisirent mieux que les siens, dont l’ardeur se ralentit insensiblement, et qui malgré tous ses efforts prirent la fuite, entraînant avec eux les cuirassiers et les Illyriens. La marge du ravin que Philopœmen avait eu la précaution d’aplanir de ce côté de la montagne, afin de ne pas perdre entièrement l’avantage de l’offensive, servit de pont, et aux lâches qui, sachant la ville de Mantinée très proche, allèrent s’y réfugier, et aux vainqueurs pour les y poursuivre.

Cet incident, capable de faire tourner la tête à tout autre général que Philopœmen, ne l’abattit point. Il abandonna les gens qu’on ne pouvait pas arrêter, et rassura ceux qui restaient par une contenance ferme ; et comme il ne doutait pas que d’un moment à l’autre Machanidas, après avoir enlevé son aile gauche, ne revint fondre sur ses flancs et ses derrières, tandis que les Lacedémoniens l’attaqueraient de front avec la phalange, il fit avec beaucoup de sang-froid ses dispositions.

L’imprudente conduite de Machanidas, qui poursuivit l’ennemi battu jusqu’aux portes de Mantinée, distante d’un mille du champ de bataille, lui sauva une défaite, dont tout son savoir-faire ne l’eût peut-être pas garanti.

Philopœmen profita de cette faute. Il ordonna sur le champ à toutes les sections de sa première ligne de faire à gauche, et de marcher vite par leur flanc, afin d’occuper le terrain qui était resté vide par la défection de son aile ; et en même temps, les sections de la seconde ligne s’avancèrent pour s’aligner sur les autres, et occuper le bord du ravin. Ces mouvemens se firent avec la précision que ce général devait attendre de troupes aussi manœuvrières que les siennes.

Ainsi Philopœmen coupait le retour à Machanidas, et se mettait en état de tourner les Lacédémoniens, qui n’avaient plus de droite. Par ses ordres, Polybe, oncle du grand historien, rallia aussi tout ce qu’il put trouver d’Illyriens, de cuirassiers, et de Tarentins dispersés, en forma un corps de réserve, et le posta près de la hauteur derrière sa gauche, afin de garder le passage du ravin.

Les Achéens témoignaient de l’impatience pour combattre, appréhendant le retour de Machanidas. Philopœmen qui avait la même crainte, bien qu’il sût la dissimuler, allait franchir le ravin à la tête de ses troupes, lorsqu’il s’aperçut des mouvemens de la phalange lacédémonienne. Elle supposait n’avoir plus qu’à compléter la victoire, enorgueillie qu’elle était par le grand succès de Machanidas. Le général achéen retint ses soldats, donna promptement ses instructions aux officiers de sa gauche, et attendit l’ennemi derrière son retranchement.

La descente du ravin était assez facile ; les Lacédémoniens s’y jetèrent avec une confiance qui leur devint funeste. Les Achéens profitant de l’avantage de leur position, chargèrent si vivement du haut en bas, qu’ils rompirent l’ennemi, en même temps qu’ils le prenaient flanc et à dos avec les sections de l’aile gauche. Cette phalange fut massacrée dans le fossé, et ses débris vivement poursuivis par les Achéens.

Tout était déjà perdu quand Machani-