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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/84

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rience dans la manière de dresser des embuscades ; mais ils n’inventèrent ou ne perfectionnèrent aucune machine propre à l’attaque des places, et leurs meilleurs capitaines ne conduisirent jamais les opérations d’un siége, suivant les règles de l’art. On ne comprend rien à l’esprit d’une loi qui leur défendait de monter à l’assaut ; on ne conçoit pas davantage par quels motifs ils ne devaient pas poursuivre l’ennemi vaincu sur le champ de bataille.

Vous avez vu qu’ils assiégèrent pendant deux ans la petite ville de Platée sur les confins de l’Attique ; ils bloquèrent pendant onze ans les Messéniens sur le mont Ira, et ensuite dix années sur le mont Ithôme. Ces faits, que l’on ne peut révoquer en doute, peuvent servir à expliquer les opérations et les lenteurs du siége de Troie qui n’était vraisemblablement qu’un blocus soutenu par des combats singuliers.

Quoi qu’il en soit, toutes les idées des Spartiates se tournaient vers la guerre. C’était pour eux une obligation d’être soldats depuis l’âge de vingt ans jusqu’à soixante ; tous marchaient, dès que l’ennemi pénétrait dans la Laconie. Cette nécessité indispensable de servir l’état cessait de paraître onéreuse, parce qu’elle était générale. La Laconie pouvait entretenir trente mille hommes d’infanterie pesante et quinze cents cavaliers.

Les Spartiates portaient la chevelure dans toute sa longueur, mais divisée en deux ou trois tresses qui flottaient sur leurs épaules, tandis que des moustaches touffues tombaient jusqu’à leur poitrine. En temps de guerre, ils couvraient leur tunique d’une casaque rouge fort courte, au lieu du manteau athénien. C’était avec cette casaque et un rameau d’olivier, symbole des vertus guerrières chez ce peuple, que l’on enterrait le soldat mort à son rang. Celui qui avait péri en tournant le dos était privé de sépulture.

Si un soldat avait quitté son rang, pourvu que ce ne fût pas pour prendre la fuite, il était contraint de rester pendant quelque temps debout, appuyé sur son bouclier, et chacun en le voyant pouvait lui décerner le blâme. Quant au Spartiate qui s’éloignait par lâcheté, on le vouait à l’infamie. S’il n’était pas marié, il ne pouvait s’allier à aucune famille ; et s’il l’était, aucune famille ne s’alliait à la sienne. Le soldat qui ne rapportait pas son bouclier, se voyait aussi déshonoré.

Jadis l’arme la plus usitée à Lacédémone était la demi-pique ou le javelot qu’on pouvait manier d’une seule main ; et c’est surtout par cet emblème que l’on caractérisait la capitale de la Laconie. Quelque terrible que fût cet instrument lorsque l’on savait s’en servir avec dextérité, on ne pouvait cependant l’approprier a toutes les manœuvres de la phalange ; et, lorsque ce corps prenait l’ordre serré, ces piques si courtes devenaient presque inutiles aux rangs secondaires, tandis que les sarisses macédoniennes, portées jusqu’à seize coudées, formaient des espèces de beliers et renversaient tout ce qui se présentait devant elles.

Cléomène comprenant que la phalange laconique était surtout inférieure à celle de la Macédoine par le vice de son armure, la réforma dans toutes ses parties, depuis l’épée jusqu’au bouclier. Mais s’il est bien de profiter des améliorations que l’on trouve chez les autres peuples, on doit en user avec des précautions infinies, et ne jamais changer subitement la tactique d’une nation. Cléomène en fit une expérience terrible à la bataille de Sélasie.

Tant que les Grecs n’avaient eu de

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