Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/872

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
871
ARRIEN, LIV. VI.

son impatience, en arrache une des mains d’un soldat, l’applique contre le mur, et s’élance en se couvrant de son bouclier, suivi de Peucestas qui portait l’égide enlevée du temple de Minerve à Troie, et de Léonnatus Somatophylax ; Abréas dimoirîte monte sur une autre échelle.

Alexandre, parvenu sur le rempart, s’appuie sur son bouclier, et renversant les uns, frappant les autres de son épée, il avait tout chassé devant lui. Cependant les Hypaspistes, inquiets de sa personne, se précipitent sur les échelles ; elles rompent sous le poids ; plus de moyen de franchir les murs. Alexandre se voit en butte aux traits que les Indiens, n’osant l’approcher, font pleuvoir des tours voisines et de l’intérieur de la place ; car l’élévation où il se trouvait formait une esplanade avancée, et ce prince se faisait remarquer autant par l’éclat de ses armes que par celui de sa valeur.

N’ayant que le choix de rester exposé à ce danger ou de se jeter dans le fort, il prend ce dernier parti qui peut épouvanter les ennemis, et qui doit du moins, s’il succombe, l’immortaliser par la mort la plus glorieuse. Il saute des remparts dans le fort. Adossé contre le mur, il perce de son épée plusieurs de ceux qui fondent sur lui, et entre autres le chef des Indiens. Il en écarte deux à coups de pierres, le dernier revient sur ses pas, il le frappe du glaive.

Les Barbares n’osant plus approcher, lancent de tous côtés sur lui les traits dont ils sont armés ou que le hasard leur présente. Cependant Peucestas, Abréas et Léonnatus, qui étaient parvenus sur le rempart avant que les échelles fussent rompues, se jettent près de lui, et combattent vivement à ses côtés. Abréas tombe percé d’une flèche qu’il reçoit au visage ; une autre atteint Alexandre, perce la cuirasse, et s’enfonce au dessus du sein. L’air et le sang s’échappaient, au rapport de Ptolémée, par cette blessure. D’abord sa chaleur naturelle le soutint quelque temps malgré que sa plaie fut profonde ; mais enfin affaibli par la perte de son sang et de sa respiration, ses yeux se ferment, il se pâme et tombe sur son bouclier. Peucestas, se mettant au-devant, le couvre de l’égide de Minerve ; Léonnatus le défend de son côté, mais ils sont grièvement blessés, Alexandre est prêt d’expirer.

Les Macédoniens frémissant de ne pouvoir escalader le fort, à la vue des traits qui pleuvaient sur Alexandre, et de la témérité qui le précipita, sentant redoubler leur crainte et leur ardeur avec ses dangers, cherchaient à suppléer par tous les moyens au défaut des échelles. Les uns fichent des pieux dans le mur formé de terre, s’y suspendent et s’élèvent avec effort sur les épaules les uns des autres. Le premier qui franchit ainsi les remparts, saute dans la place, se range près d’Alexandre étendu sans mouvement ; d’autres le joignent en poussant des cris et des hurlemens : ils couvrent le roi de leurs boucliers ; un combat terrible s’engage à l’entour. Quelques-uns, courant à la porte placée entre les deux tours, lèvent les traverses et introduisent les Macédoniens. Ceux-ci, en se précipitant, renversent une partie du mur et fondent dans la place. On fait un affreux carnage des Indiens ; on passe tout au fil de l’épée, jusqu’aux femmes et aux enfans.

Chap. 4. On emporte Alexandre sur un bouclier ; sa blessure est profonde ; on est incertain de sa vie. Selon quelques auteurs, la médecin Critodémus de Cos, descendant d’Esculape, tira le fer en élargissant la plaie. Selon d’autres, le médecin étant éloigné, le So-