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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/882

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ARRIEN, LIV. VI.

une grande partie de l’Asie après la conquête des Indes. Cette pompe, reproduite depuis, est devenue celle de tous les triomphateurs. Mais Ptolémée, Aristobule et tous les auteurs dignes de foi n’en ont point parlé. On lit seulement dans Aristobule, qu’arrivé dans la Carmanie, Alexandre sacrifia aux Dieux pour les remercier de lui avoir accordé la victoire dans les Indes et sauvé son armée dans la Gédrosie, et fit célébrer les jeux du gymnase et de la lyre. Il inscrit Peucestas parmi les gardes de sa personne, qui n’étaient qu’au nombre de sept, savoir : Léonnatus, Héphæstion, Lysimaque, Aristonus, tous quatre Pelléens ; Perdiccas, de l’Orestide ; Ptolémée et Python, Eordéens. Peucestas, qui l’avait couvert de son bouclier chez les Malliens, fut le huitième. Alexandre avait résolu de le nommer satrape de la Perse, mais il voulait d’abord lui donner ce premier et honorable témoignage de sa reconnaissance.

Néarque, après avoir côtoyé les pays des Ores, des Gédrosiens et des Ichthyophages, touche à la Carmanie ; accompagné d’un petit nombre des siens, il vient rendre compte à Alexandre de sa navigation. Il reçoit l’ordre de la continuer jusqu’à l’embouchure du Tigre vers le Pays des Susiens.

C’est dans un ouvrage séparé que je rendrai compte de la navigation de Néarque, lequel nous a laissé une histoire d’Alexandre. Elle terminera la mienne si je puis la conduire à sa fin.

Héphæstion doit ramener la plus grande partie de l’armée, les animaux de trait et les éléphans, de la Carmanie dans la Perse, en suivant le bord de la mer, parce que cette marche ayant lieu l’hiver, il y trouverait une température plus douce et un pays plus abondant.

Alexandre prenant ses troupes légères, la cavalerie des Hétaires et quelques archers, marche vers Pasagarde, et renvoie Stasanor dans son gouvernement. Arrive aux frontières de la Perse, il n’y trouva point Phrazaorte qui en était satrape : à la mort de celui-ci, pendant l’expédition du prince dans les Indes, Orxinès s’était chargé des fonctions d’hyparque, non qu’Alexandre l’eût nommé à cet emploi, mais il avait cru convenable de contenir ce pays dans l’obéissance, en attendant le remplacement de Phrazaorte.

Sur ces entrefaites Atropates, satrape de Médie, vint à Pasagarde, conduisant prisonnier le Mède Bariax qui ceignant la tiare droite, avait pris le titre de roi des Perses et des Mèdes, et avec lui tous ses complices : Alexandre les fit traîner au supplice.

Une des choses qui affecta le plus Alexandre, fut la violation du tombeau de Cyrus qu’on avait forcé et dépouillé. C’est au centre des jardins royaux de Pasagarde que s’élevait ce tombeau entouré de bois touffus, d’eaux vives et de gazon épais ; c’était un édifice dont la base, assise carrément sur de grandes pierres, soutenait une voûte sous laquelle on entrait avec peine par une très petite porte. On y conservait le corps de Cyrus dans une arche d’or sur un abaque dont les pieds étaient également d’or massif, couvert des plus riches tissus de l’art babylonien, de tapis de pourpre, du manteau royal, de la partie inférieure de l’habillement des Mèdes, de robes de diverses couleurs, de pourpre et hyacinthe, de colliers, de cimeterres, de brasselets, de pendans en pierreries et en or. On y voyait aussi une table, l’arche funéraire occupait le centre. Des degrés intérieurs conduisaient à une cellule occupée par les mages dont la famille avait conservé, depuis la mort de Cyrus, le privilége de garder son corps.

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