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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/10

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menacent leurs demeures pour dévaster les champs ; et quand ces villes ont pris un peu de consistance, les citoyens demandent des lois agraires. C’est la position où se trouvait l’Italie lors de la naissance de Rome.

Romulus fonde une ville ; il y donne un asile aux brigands, aux esclaves fugitifs, aux nomades qui veulent se fixer. Il enlève des femmes ; on s’en plaint ; on le combat ; on redemande sa femme et ses esclaves ; mais personne ne réclame le territoire, car le territoire n’a ni roi ni propriétaire.

Rome s’agrandit promptement, parce qu’elle ouvrit toujours son sein aux étrangers ; qu’elle adopta les citoyens d’Albe, et que tous les mécontens des petites villes voisines étaient sûrs d’y être bien accueillis. Cinq mille hommes sortis de Régille avec Appius y furent reçus en un seul jour. Elle s’agrandit surtout, parce que le citoyen qui ne possédait rien, ne payait rien à l’État, et même était dispensé d’aller à la guerre ; loi sage et juste, qui chargeait de la défense de la cité et du poids des impôts ceux qui avaient plus d’intérêt à garder leur ville, et plus de moyens pour la secourir.

En peu de temps, Rome eut une population tellement excessive, relativement à son territoire, qu’on n’en trouve peut-être pas d’autre exemple. Devenue plus puissante que les villes voisines, et ne voulant point augmenter le nombre de ses citoyens, elle embrassa l’usage général de réduire les vaincus à l’esclavage.

Cependant l’Italie était encore divisée en plusieurs peuples presque tous ennemis les uns des autres, car chaque ville se regardait comme indépendante. Les Grecs occupaient le midi de cette contrée qu’on appelait la Grande-Grèce. C’était la partie la plus riche, la plus peuplée et la mieux cultivée. Les Étrusques habitaient le nord occidental ; enfin les Latins, les Volsques, les Æques, les Sabins et les Herniques remplissaient le centre depuis la mer de Thyrrène (mer de Toscane), jusqu’aux montagnes de l’Apennin.

Les Gaules venaient d’être découvertes par les Phocéens, qui, fuyant leur patrie plutôt que de se soumettre aux lois de Cyrus, et après avoir inutilement tenté de s’établir en Grèce, en Afrique, en Italie, avaient trouvé un port creusé par la nature, et jeté les fondemens de la ville de Massilie, dont nous avons fait Marseille (ans 214 de Rome ; 540 avant notre ère.). Cette terre, où les Phocéens descendirent, se présentait aussi neuve que le parut l’Amérique aux Espagnols. Elle était inculte et ressemblait à une immense forêt.

Les fugitifs Phocéens qui arrivaient riches de toutes les sciences de la Grèce, parurent dans les Gaules à peu près vers le temps où il s’opérait un mouvement contraire au centre de ce pays. Un chef, nommé Ambigat, ayant réuni sous son autorité plusieurs tribus gauloises, envoya deux de ses neveux faire des excursions. L’un, Sigovèse, remonta vers le Nord-Est, et pénétra jusqu’au centre de l’Allemagne, aussi déserte que les Gaules l’étaient alors ; Bellovèse, l’autre neveu d’Ambigat, prit sa route vers le Midi.

La horde qu’il commandait fut bientôt suivie de plusieurs autres, et l’Italie se vit envahie tout-à-coup par une foule de peuples sortis des forêts de la Gaule, qui fixèrent leurs principales habitations sur les bords de l’Éridan. Les Insubres, les Cénomans, les Lingons, occupèrent la rive septentrionale de ce fleuve ; les Anamans, les Boïes, les Sénons, la rive méridionale. Ces cantons, arrosés de plusieurs rivières et