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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/100

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dictateur à combattre, pensa dès lors à mettre à couvert ses provisions, et à se choisir des quartiers d’hiver hors d’un pays ruiné. Fabius eut avis de ce mouvement.

Il ignorait la route que l’ennemi voulait suivre ; il envoya Minucius placer une bonne garde aux défilés qui sont entre Terracine et Fondi, par la Voie Appienne, et fit occuper ceux du Mont-Gallicanus par un corps de quatre mille hommes. Les autres points étaient trop éloignés, mais il renforça la garnison de Casilin dont la prise rendait l’ennemi maître du passage du Volturne.

Des auteurs graves, des écrivains militaires d’une haute portée, ayant admis le stratagème si bizarre que les anciens prêtent au général carthaginois, pour sortir de cette position difficile, on n’ose se prononcer sur ces deux mille bœufs dont les cornes sont ornées de faisceaux de sarmens enflammés ; ce qui devait rendre en effet ces animaux très faciles à conduire, et surtout à diriger avec un pareil équipage.

Mais n’est-il pas plus probable que l’officier général qui commandait les quatre mille hommes du Mont-Gallicanus, se sera laissé entraîner hors de son poste par quelque escarmouche, peut-être à l’appas d’un riche butin, qu’on aura feint de vouloir sauver. Au moyen d’un retranchement, une poignée d’hommes pouvait arrêter l’armée carthaginoise. On ne conçoit pas ce manque de précaution à côté d’Annibal.

Quoi qu’il en soit, la tranquillité se rétablissait dans les conseils. Depuis que les exploits du général carthaginois n’étaient plus si rapides, on jugeait mieux de l’immensité des ressources qu’offrait la république ; le calme renaissait dans les esprits. Passant alors, comme il arrive souvent, d’un trop grand abattement à une confiance plus grande encore, on oublia bientôt les plus sanglantes défaites, et l’on en vint à blâmer la circonspection excessive de Fabius.

Sur ces entrefaites, Annibal ayant exposé ses fourrageurs dans le nouveau cantonnement qu’il avait choisi auprès de Gério (Gerunium), dont il venait de se rendre maître ; et le général de la cavalerie, M. Minucius, ayant remporté un brillant avantage en l’absence du dictateur ; on pensa qu’avec un peu de vigueur on chasserait aisément les Carthaginois de l’Italie. M. Minucius craignait l’opposition et les conseils timides de son collègue ; il obtint du sénat l’autorisation de partager l’armée.

À la première nouvelle de cette désunion, Annibal s’établit auprès de Minucius. Il y avait, entre les deux camps, une hauteur dont l’occupation devenait avantageuse, et que le général carthaginois ne voulait pas laisser à l’ennemi ; mais loin d’avoir recours à une surprise, il résolut de s’en emparer ostensiblement, afin d’engager un combat qui pût servir de prétexte à Minucius pour une affaire générale.

Toute la plaine que commandait la colline paraissait rase, et au premier coup-d’œil semblait peu propre à cacher des troupes ; car on n’y voyait ni bois ni haies. Cependant Annibal avait observé des cavités et des coupures dont quelques-unes pouvaient contenir jusqu’à deux cents hommes. Il y plaça cinq mille fantassins et cinq cents cavaliers ; et de crainte que cette embuscade ne fût éventée par les fourrageurs ennemis, ou que l’on ne découvrît les soldats mal cachés, il fit occuper la colline par son infanterie légère, dès le point du jour.

Minucius, méprisant le petit nombre de troupes qu’il voyait, détacha d’a-