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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/1024

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POLYBE, LIV. XXXVII.

mande on le lui accorderait, cela serait peut-être excusable ; au moins il eût pu dire que cet argent appartenait au royaume ; mais il fit mal assurément de s’irriter contre la ville qui en était dépositaire, et de l’exiger avec violence. Voilà néanmoins jusqu’à quel excès il se laissa emporter : il envoya piller le territoire de Priène, et Attale, pour quelque démêlé qu’il avait eu avec cette ville, non-seulement lui donna ce mauvais conseil, mais encore l’aida à l’exécuter. On égorgea pêle-mêle hommes et bestiaux jusqu’aux portes de la ville. Les Priéniens, hors d’état de se défendre, députèrent d’abord à Rhodes et ensuite à Rome ; rien ne put fléchir Ariarathe. Ainsi Priène, loin de tirer d’une si grande somme l’avantage qu’elle espérait, après l’avoir rendue à Holopherne, se vit encore exposée à tous les coups qu’il plut à l’injuste vengeance d’Ariarathe de lui porter..... Ne peut-on pas dire après cela que ce prince poussa la fureur plus loin qu’Antiphane de Bergée, et qu’en cela nos derniers neveux ne verront personne qui l’égale ? (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


III.


Prusias.


Ce roi de Bithynie, du côté du corps, n’avait rien qui prévînt en sa faveur ; il n’était pas plus avantagé du côté de l’esprit : ce n’était par la taille qu’une moitié d’homme, et qu’une femme par le cœur et le courage. Non-seulement il était timide, mais mou, incapable de travail, en un mot, d’un corps et d’un esprit efféminés, défauts qu’on n’aime nulle part dans les rois, mais qu’on aime moins encore qu’ailleurs chez les Bithyniens. Les belles-lettres, la philosophie et toutes les autres sciences qui s’y rattachaient lui étaient parfaitement inconnues ; enfin il n’avait nulle idée du beau ni de l’honnête. Nuit et jour il vivait en vrai Sardanapale. Aussi ses sujets, à la première lueur d’espérance, se portèrent-ils avec impétuosité à prendre parti contre lui et à le punir de la manière dont il les avait gouvernés. (Ibid.)


IV.


Massinissa, roi des Numides.


C’était le prince de notre siècle le plus accompli et le plus heureux. Il régna plus de soixante ans et ne mourut qu’à quatre-vingt-dix, ayant conservé jusqu’au dernier moment une santé parfaite et un corps si robuste que quand il fallait qu’il se tînt debout, il s’y tenait tout le jour sans changer de place ; qu’une fois assis, il ne se levait pas avant la nuit, et que s’il fallait rester jour et nuit à cheval il n’en était pas incommodé. Une preuve manifeste de sa force, c’est que mourant nonagénaire, il laissa un fils qui n’avait que quatre ans, qui s’appelait Stembale, et qui fut adopté par Micipsa. Il avait encore quatre autres fils qui furent toujours si étroitement unis avec lui et entre eux, que jamais dissension domestique ne troubla le repos de son royaume. Ce que l’on admire particulièrement de ce roi, c’est qu’il fut le premier qui fit voir que la Numidie, qui avant lui ne produisait rien et passait pour ne pouvoir rien produire, était aussi propre à fournir de toutes sortes de fruits qu’aucune autre contrée. On ne peut exprimer dans combien de terres il fit planter des arbres qui lui rapportaient des fruits de toute espèce. Rien n’est donc plus juste que de louer ce prince et de faire honneur à sa mémoire. Scipion arriva à Cirta trois jours