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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/1034

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POLYBE, LIV. XXXIX.

rains. Il faut d’ailleurs que l’historien montré qu’il ne met rien au-dessus de la vérité ; et, plus le souvenir des faits qu’il expose remonte à des temps passés, et s’éloigne du présent, plus il faut que l’écrivain fasse cas de la vérité, et que le lecteur lui sache gré du parti qu’on a pris. Dans les temps difficiles, il convient sans doute que les Grecs secourent les Grecs par tous les moyens possibles, soit en leur aidant, soit en les défendant, soit en détournant la colère des puissans ; et c’est ce que j’ai réellement fait dans toutes les circonstances. Quant aux événemens accomplis, je m’applique à en léguer à la postérité un souvenir dégagé de toute haine, non point pour chatouiller les oreilles de mes lecteurs d’aujourd’hui, mais pour redresser leur jugement, et pour empêcher qu’ils ne se trompent toujours sur les mêmes faits. Mais j’en ai assez dit sur ce sujet. (Angelo Mai et Jacobus Geel, ubi supra.)




FRAGMENS
DU

LIVRE TRENTE-NEUVIÈME.


I.


Asdrubal, général des Carthaginois.


Il y avait dans ce chef des Carthaginois aussi peu de ces qualités qui forment un bon général qu’il y avait de vanité à lui de s’en flatter et de se vanter d’en avoir. Voici, entre plusieurs autres exemples, un trait de sa vanité. Quand il vint au rendez-vous qu’il avait assigné à Gulussa, roi de Numidie, il y parut couvert d’un manteau de pourpre et suivi de douze gardes bien armés. À vingt pas du lieu convenu, il laissa ses gardes et, du bord du fossé qui était devant lui, il fit signe au roi de venir le trouver, signe qu’il devait plutôt attendre que donner. Au contraire, Gulussa vint sans escorte, vêtu simplement et sans armes. Quand il fut près d’Asdrubal, il lui demanda pourquoi il s’était muni d’une cuirasse et qui il craignait. « Je crains les Romains, reprit Asdrubal. — S’il est vrai que vous appréhendiez si fort, repartit Gulussa, pourquoi sans nécessité vous enfermiez-vous dans une ville assiégée ? Mais enfin que souhaitez-vous de moi ? — Je vous prie, dit Asdrubal, d’être notre intercesseur auprès du général romain. Qu’il épargne Carthage et qu’il la laisse subsister : sur tout le reste il nous trouvera soumis. » Gulussa se moqua de cette commission. « Quoi ? dit-il au gouverneur de Carthage, dans l’état où vous êtes, enveloppé de toutes parts, n’ayant presque plus de ressources ni d’espérance, vous n’avez point d’autre proposition à faire que celle qu’on a rejetée à Utique, avant le siége ? — Les affaires, reprit Asdrubal, ne sont pas si désespérées que vous pensez. Nos alliés arment