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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/1036

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POLYBE, LIV. XXXIX.

qu’il serait difficile de trouver des gens qui se ressemblassent plus que ceux qui alors dans la Grèce et à Carthage étaient à la tête des affaires. La comparaison que nous ferons dans la suite de ces chefs rendra cette vérité plus sensible. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


Ce superbe Asdrubal oublia sa forfanterie précédente, tomba aux pieds du général. (Suidas in Σεμνός.) Schweighæuser.


Asdrubal l’ayant abordé en fut bien accueilli, et reçut ensuite l’ordre de se rendre en pays étranger. (Ibid. in Φιλανθρωπ.)


On rapporte que Scipion, voyant Carthage totalement renversée et anéantie, répandit des larmes abondantes et déplora tout haut les malheurs de son ennemi. En réfléchissant profondément en lui-même que le sort des villes, des peuples, des empires n’était pas moins sujet aux revers de fortune que celui des simples particuliers, et se rappelant, à côté de Carthage, l’antique Ilion, ville autrefois si florissante, et l’empire des Assyriens et celui des Mèdes, puis celui des Perses, le plus vaste de tous, et cet empire de Macédoine qui, si récemment encore, avait jeté tant d’éclat ; soit que le cours de ses idées lui rappelât à l’esprit les vers d’un grand poëte, soit que sa langue devançât le cours même de ses idées, il prononça, dit-on, à haute voix ces vers d’Homère :

Déjà le jour approche où doit tomber le grand Ilion,
Le jour où Priam et le peuple si guerrier de Priam vont tomber.

Interrogé à ce moment par Polybe qui était très-familier avec lui, car il avait été son précepteur, sur le sens qu’il donnait à ces paroles, il avoua ingénument qu’il avait pensé à sa chère patrie, pour l’avenir de laquelle il avait ressenti des craintes en songeant à l’inconstance des choses humaines. Polybe, qui avait entendu ces mots de sa propre bouche, nous les a rapportés dans son histoire. (Appianus in Punicis, cap. 132.)


II.


Je n’ignore pas qu’on blâmera mon œuvre, en me reprochant de ne pas avoir mis assez de suite dans la narration des faits. On dira, par exemple, qu’ayant commencé le siége de Carthage, je laisse ensuite mes lecteurs au milieu de mon récit pour les transporter au milieu des affaires de la Macédoine, de la Syrie, ou d’un autre pays, et on donnera pour raison que les hommes de science veulent, avant tout, de la continuité dans les choses, et que d’ailleurs il n’est personne qui ne désire connaître la fin de ce qui est commencé. Tel n’est point mon avis ; il est au contraire bien opposé. J’en prendrai à témoin la nature elle-même, qui pour des objets qui frappent nos sens, ne suit point continuellement les mêmes voies, mais y développe une grande variété ; qui veut enfin arriver aux mêmes résultats en usant de moyens différens. Je pourrais choisir l’ouïe pour prouver ce que je viens devancer. Ni dans les concerts, ni dans les déclamations oratoires, ce sens ne saurait s’arrêter à des mesures monotones. Il lui faut, pour porter l’émotion à l’âme, un rhythme varié, quelque chose de décousu, enfin les oppositions les plus marquées et les cadences les plus rapides. On trouvera qu’il en est de même du goût, si l’on considère que les mets les plus délicats