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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/1041

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POLYBE, LIV. XL.

composé que les résolutions dont il était capable. On fit mettre en prison Andronidas, Lagius et le sous-préteur Sosicrate. On imputa à ce dernier d’avoir consenti, pendant qu’il présidait au conseil, qu’on députât vers Cæcilius, et d’avoir été l’auteur et la cause de tous les maux qu’on avait à souffrir. Le lendemain, des juges assemblés le condamnèrent à mort, et sur-le-champ on le chargea de fers ; on lui fit subir des tourmens tels qu’il expira dans les supplices, sans qu’il lui échappât un mot de ce qu’on espérait. Lagius, Andronidas et Archippe furent relâchés, une partie parce que la multitude s’aperçut de l’injustice qu’on avait faite à Sosicrate, et encore parce qu’Andronidas et Archippe avaient fait présent à Diæus, le premier d’un talent, et l’autre de quarante mines. Car ce préteur était sur ce point d’une impudence et d’une effronterie si grandes, qu’au milieu d’un spectacle il aurait reçu des présens. Philius de Corinthe avait été traité, quelque temps auparavant, de la même manière que Sosicrate. Diæus l’accusa d’avoir envoyé à Chalcis, et d’avoir pris le parti des Romains. Il le fit prendre lui et ses enfans, les fit tourmenter les uns sous les yeux des autres, et les supplices ne finirent que par la mort du père et de ses enfans. On me demandera sans doute comment il s’est pu faire qu’une confusion si universelle et un gouvernement plus dérangé qu’on n’en voit chez des Barbares n’aient pas détruit de fond en comble toute la Grèce. Pour moi, je m’imagine que la fortune, toujours ingénieuse et adroite, prit plaisir à s’opposer aux folies et aux extravagances des chefs. Quoique repoussée de toutes parts, elle voulut, de quelque manière que ce fût, sauver les Achéens ; et pour cela elle se servit du seul expédient qui lui restait : elle fit en sorte que les Grecs fussent aisément vaincus et qu’ils ne tinssent pas long-temps contre les Romains. Par ce moyen elle empêcha que la colère de ceux-ci ne s’emportât trop loin, que les légions ne fussent appelées d’Afrique, et que les chefs des Grecs n’exerçassent quelque cruauté sur les peuples ; ce qu’ils n’auraient pas manqué de faire, avec le caractère qu’ils avaient, s’ils eussent remporté quelque avantage. On n’en doutera nullement pour peu qu’on fasse réflexion sur ce que nous avons dit d’eux. Au reste, le mot qui courut en ce temps-là confirme notre conjecture : « Si nous n’eussions été perdus promptement, disait-on partout, nous n’aurions pu nous sauver. » (Ibid.)


Aulus Posthumius Albinus.


Ce Romain tirait son origine d’une des plus illustres familles de Rome. Il était naturellement grand parleur et vain au suprême degré. Curieux dès son enfance de l’érudition et de la langue grecques, il se livra à cette étude avec une ardeur si démesurée qu’il inspira du dégoût et de l’aversion pour elle aux plus anciens et aux plus distingués des Romains. Il composa même un poëme et écrivit une histoire dans cette langue. Dès le début de celle-ci, il demande grâce à ses lecteurs s’ils trouvent quelques fautes de langage, n’étant pas étonnant qu’un Romain ne possède pas la langue grecque dans la plus grande perfection. On débite là-dessus un bon mot de Marcus Porcius Caton. « Pourquoi, disait-il, s’excuser ? si le conseil des amphictyons lui avait ordonné d’entreprendre cette histoire, l’excuse serait peut-être recevable ; mais après l’avoir entreprise volontairement