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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/108

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efforts pour sortir de ce coupe-gorge ; il n’y eut plus alors de chance de salut. Annibal criait d’épargner les vaincus, tant le carnage était horrible. Trois mille, qui avaient percé le centre, échappèrent ; ils se dirigèrent sur Canusium. (ans 538 de Rome ; 216 avant notre ère.)

Dix mille hommes, chargés d’attaquer le camp des Carthaginois pendant le combat, ne purent réussir dans leur tentative, le général ayant eu la sage précaution de fortifier ses lignes, et d’y laisser bonne garde. À la fin de la bataille, Annibal marcha au secours de son camp, et les Romains eurent encore à regretter deux mille hommes. Le reste fut repoussé dans les camps, et fait prisonnier le lendemain, à l’exception de six cents braves qui profitèrent de l’obscurité pour se frayer un chemin au travers des ennemis.

La perte, du côté des Carthaginois, monta seulement à deux cents cavaliers, quinze cents africains, et quatre mille Gaulois ou Espagnols. Les Romains laissèrent sur le champ de bataille plus de quarante mille hommes d’infanterie, quatre mille de cavalerie ; et parmi eux le consul Æmilius Paulus, le proconsul Servilius, deux questeurs, M. Minutius qui avait été général de la cavalerie ; un grand nombre de personnages consulaires, vingt-un tribuns de légions, et quatre-vingts sénateurs qui servaient en qualité de volontaires.

D’après les suites que les batailles entraînent ordinairement, il semble que la victoire de Cannes, précédée de celles du Tésin, de la Trebbia et du Thrasymène, devait terminer la guerre ; et les historiens reprochent au général carthaginois de n’avoir pas marché directement sur Rome, afin d’abréger ses travaux.

Les officiers d’Annibal, empressés de le féliciter sur un avantage aussi glorieux, apprirent, dit-on, avec étonnement que plusieurs jours de repos allaient être accordés aux troupes ; et c’est alors que Maharbal, l’un d’eux, qui voulait emporter Rome avec sa cavalerie, et se flattait de préparer, pour son général, un souper le cinquième jour au Capitole, lui adressa ces paroles que l’on a tant répétées depuis : « Tu sais vaincre, Annibal, mais tu ne sais pas profiter de la victoire. »

Il est certain que ce souper pouvait bien tenter un chef de Numides dont tout le génie réside dans l’audace ; mais il semble que l’opinion d’Annibal devrait être de quelque poids sur une question de cette nature, et les marches rapides de ce général à travers les passages les plus difficiles de l’Italie, montrent assez qu’il ne manquait pas de l’activité nécessaire pour assurer un succès.

Et d’abord, la distance de Cannes à Rome étant de soixante-dix lieues, ce n’était pas en cinq jours qu’il pouvait s’y rendre avec son armée ; il lui en fallait neuf à dix de marches continues. Il n’aurait donc pas profité du premier moment de désordre et de consternation.

Après la bataille, les Carthaginois comptaient à peine trente-deux mille hommes d’infanterie et huit mille cavaliers. C’était une armée victorieuse, il est vrai, mais fatiguée par une action sanglante ; Rome pouvait lui opposer de suite deux légions urbaines enrôlées par les consuls au commencement de l’année, ainsi que trois légions de marine, et quinze cents conscrits que le préteur Marcellus commandait à Ostie.

Aussitôt que l’on aurait eu avis de la marche d’Annibal, le sénat eût ordonné la levée extraordinaire de dix-sept ans et au-dessus qui fournit quatre légions