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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/110

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rière ; mais ici, de deux corps de cavalerie qui flanquent la ligne d’Annibal, celui dont la supériorité est manifeste ne semble combattre son adversaire que pour délivrer le plus faible qui l’attend sur une sage défensive ; et c’est seulement lorsque les deux efforts réunis auront réussi à dissiper cet autre obstacle, que l’on doit songer à seconder l’infanterie. On ne peut se lasser d’admirer la belle manœuvre du centre qui, par sa disposition primitive, oblige l’ennemi à l’attaquer, et l’entraîne insensiblement à sa ruine, quand il croit marcher à une victoire assurée.

On ignora pendant quelques jours le sort de Varron. Enfin il se montra seul d’abord, ensuite à la tête d’un corps de troupes ralliées, et il fut remercié par le sénat d’avoir eu le courage de paraître et de prouver qu’il ne désespérait pas de la république. Terrible nécessité des circonstances, elle force de donner des éloges à un tel homme !

Mais Varron était plébéien, et sa haine contre les autres classes de l’État, l’avait rendu l’idole du peuple. La profondeur et la sagesse du sénat ne sont donc pas moins admirables dans cette conduite, que sa magnanimité. Par sa réunion avec le consul, les patriciens et les plébéiens n’eurent plus qu’un même esprit, et Rome entière conspira au rétablissement des affaires, avec la chaleur d’une faction.

Ce rapprochement devenait bien nécessaire ; car l’espoir renaissait à peine, que l’on apprit que L. Posthumius, chargé, avec deux légions romaines et deux alliées, de maintenir les Gaulois-Cisalpins, avait péri, lui et ses troupes, au milieu d’une embuscade dressée dans la forêt de Litane, à l’extrémité septentrionale de l’Italie.

Annibal, n’ayant plus d’ennemi à redouter depuis sa dernière victoire, divisa ses forces afin d’engager les différens peuples de l’Italie à déserter la cause des Romains. Il envoya Magon, son frère, à la tête d’un corps d’armée, vers la partie orientale ; quant à lui, il dirigea sa marche par le Samnium, et se présenta devant Naples, dans l’espoir de s’emparer de cette ville maritime qui lui eût offert un excellent port pour ses vaisseaux d’Afrique. Mais les Romains avaient eu le temps d’y faire passer, par mer, quelques troupes et un gouverneur.

Trompé dans son espoir, Annibal se jeta brusquement sur Nole. Ce fut alors que Marcellus, qui n’ignorait pas les intelligences du général carthaginois avec plusieurs habitans de la ville, résolut de tenter la fortune des armes, afin de prévenir la sédition. Toutefois, comme il n’était pas prudent de hasarder en rase campagne une armée de vingt-cinq mille hommes, composée de nouvelles levées, ou de soldats encore épouvantés de leur défaite, Marcellus voulut remplacer par la ruse la force qui lui manquait.

Il était probable qu’Annibal lui présenterait la bataille le lendemain, afin d’attirer l’armée romaine hors des remparts, et donner la facilité aux habitans de prendre les armes et de fermer les portes. C’est d’après cette idée que Marcellus combina son plan. Il rangea son armée en dedans des murailles de la ville, et prit soin d’en écarter les Nolains.

Ne voyant pas sortir l’armée romaine, et n’apercevant personne sur les murs, Annibal dut croire que ses partisans venaient de prendre les armes, et que les Romains étaient occupés à réprimer la sédition ; ou bien que Marcellus avait découvert ses intelligences, et craignait de s’exposer en sortant de la ville. Dans l’un et l’autre cas, il était