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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/114

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armes à leurs postes sans s’y rendre. Marcius proposa à son armée un de ces desseins que leur hardiesse même fait goûter avec empressement à des esprits dont on a gagné la confiance.

Il attaqua les retranchemens de l’ennemi, les força, et défit les deux armées qui perdirent trente-sept mille hommes. L’action dura deux jours et deux nuits. Par cette victoire, ses troupes reprirent la considération dont les Carthaginois jouissaient en Espagne.

Rome cependant, brûlait du désir de venger, sur Capoue, plusieurs de ses citoyens égorgés ; le mépris de cette ville pour son alliance ; et peut-être plus encore l’influence qu’une pareille défection allait exercer sur l’Italie. Les consuls de l’année précédente reçurent l’autorité de proconsul et l’ordre de presser vivement la place.

Malgré la rigueur du blocus, un Numide trouva le moyen de passer avec une lettre pour Annibal. Ce général était alors devant Tarente, et s’occupait du siége de la citadelle dont la possession pouvait lui devenir d’une grande utilité. La triste situation de Capoue désolé par la famine, et le tort immense que la chute de cette ville pouvait lui faire dans l’esprit des peuples de l’Italie, l’emporta sur toute autre considération.

Ayant laissé le gros bagage en Apulie, il choisit, dans son infanterie et dans sa cavalerie, les hommes les plus propres à une marche forcée. Trente-trois éléphans le suivirent à quelque distance ; car un nommé Bomilcar fut assez heureux pour débarquer à Locres dans l’Abbruzze, quatre mille Africains avec quarante éléphans, et ce fut l’unique secours qu’Annibal reçut de sa patrie.

Il prévint les habitans de Capoue de son arrivée, et leur indiqua les moyens de combiner une sortie avec l’attaque qu’il projetait. Mais toutes ses tentatives échouèrent devant la prudence des proconsuls. C’est alors que ce grand homme forma sur Rome cette diversion célèbre qui devait faire trembler encore la future reine du monde.

De crainte que les Capouans, épouvantés de son départ, ne songeassent à se rendre, le général carthaginois envoya un espion dans la ville pour expliquer son dessein. Ses troupes prirent des vivres pour dix jours, et traversèrent le Volturne dans une seule nuit, au moyen de bateaux qu’on rassembla au-dessus de Cajazzo.

Averti, par quelques déserteurs, de la marche d’Annibal, Fulvius écrivit, sur-le-champ, au sénat. Cette nouvelle y causa un trouble extrême. Les uns voulaient que toute l’armée de siége marchât au secours de Rome ; les autres, plus éclairés, soupçonnaient que ce mouvement pouvait bien avoir pour but de dégager Capoue. Un sénateur ayant proposé de faire connaître aux proconsuls les forces qui se trouvaient à Rome, et de les laisser maîtres d’agir comme ils le jugeraient le plus convenable pour le salut de la patrie, chacun adopta son avis ; décision qui marque une grande sagesse de la part des sénateurs. Chose admirable, on ne retarda pas même le départ des recrues destinées pour l’Espagne.

Les proconsuls se montrèrent non moins habiles dans le plan qu’ils suivirent d’après cette communication. Appius venait d’être blessé dangereusement sous les murs de Capoue ; Fulvius, qui seul pouvait marcher, choisit quinze mille hommes de pied et mille chevaux, passa le Volturne, et s’avança vers Rome par la Voie Appienne, sachant que l’ennemi suivait la Voie Latine.

Annibal ne pressait pas sa marche. Il voulait laisser aux proconsuls le temps de détacher du siége une partie