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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/121

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n’étaient pas polis ; il remarqua aussi des chevaux plus efflanqués que les autres ; enfin l’armée lui parut plus forte.

Asdrubal soupçonnant la vérité, ordonna de sonner la retraite, et envoya des détachemens de cavalerie à la rivière vers l’abreuvage, afin de faire quelques prisonniers ; ou du moins pour s’assurer si l’on ne distinguait pas des soldats plus hâlés que les autres, comme il arrive après une longue route. Il voulut aussi qu’on allât reconnaître de près les camps ennemis, car on pouvait les avoir agrandis. Aucun renseignement précis ne fut propre à fixer ses incertitudes.

Mais ses idées s’éclaircirent, lorsqu’on lui eut rapporté qu’on avait sonné deux fois le classicum dans le camp de Livius. Asdrubal combattait les Romains depuis long-temps, et il connaissait bien leurs usages ; il ne lui resta plus de doute sur la présence des deux consuls.

Il ne pouvait comprendre cependant comment cette réunion avait pu se faire. Annibal laisser échapper, sans le savoir, l’armée et le général qui lui étaient opposés ! Il entrevoyait, pour son frère, la perte d’une grande bataille. La chance la moins défavorable qui se présenta, fut que ses lettres se trouvaient saisies, et qu’Annibal ignorait son arrivée.

Plein de ces pensées funestes, il fit éteindre les feux vers la première veille de la nuit, et se mit en marche. Le temps très obscur, le trouble, le tumulte, et aussi le défaut de surveillance, fournirent aux guides l’occasion de s’échapper. L’armée erra dans la campagne, les soldats excédés de fatigue quittaient leurs rangs et se couchaient dans les sillons.

Afin de remédier au désordre, Asdrubal ordonna aux enseignes de côtoyer le Métaure, jusqu’à ce que le jour permît de distinguer la route. Il continua ainsi en suivant les nombreux contours de la rivière, pour passer au premier gué que l’on verrait, et mettre le fleuve entre lui et les Romains. Mais plus on s’éloignait de la mer, plus la rivière, resserrée entre les montagnes, devenait profonde et moins guéable.

Tous ces retards donnèrent aux Romains la facilité de le suivre et de l’atteindre. Asdrubal renonçant à l’idée de continuer sa marche, choisit un camp sur une colline et se mit à le fortifier. Les légions se présentèrent presque aussitôt en ordre de combat, et Asdrubal ne put éviter la bataille.

Ses dispositions étaient sages[1] : sa gauche, composée des Gaulois sur lesquels il comptait le moins, fut couverte par la fortification naturelle des lieux ; sa droite, où l’on voyait ses meilleurs soldats espagnols et africains, devait former l’attaque qu’il se proposait de faire. Au centre étaient les Ligures, et devant son front ses éléphans.

Le premier choc fut terrible ; Asdrubal, décidé à vaincre ou à mourir, renversait les légions qui lui étaient opposées ; les Espagnols et les Africains, habitués à se mêler avec les Romains, eurent d’abord l’avantage.

Claudius Néron, qui se trouvait en face des Gaulois, ayant su cacher son mouvement, ou bien supposant que l’obstacle qui les couvrait ne leur permettrait pas d’attaquer sa ligne dégarnie, prit un corps de réserve, marcha par derrière le champ de bataille, et vint prendre les Espagnols en flanc et à dos. Les Ligures et les Gaulois, abattus par la fatigue, le sommeil et la chaleur, ne firent rien pour paralyser cette attaque ; et lorsque l’aile droite eut été ac-

  1. Voyez l’Atlas.

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