Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 122 —

les repousser sur les Carthaginois. Lælius profita également du désordre, et chargea la cavalerie de l’aile gauche.

Elle résista quelque temps, et à la fin fut renversée et poursuivie ; de sorte que le début de la bataille se présenta très désavantageux pour Annibal. Ayant ses flancs découverts, il attendit impatiemment ce que sa disposition déciderait par rapport à l’infanterie romaine, avant que la cavalerie ne revînt de la poursuite des fuyards.

Aussitôt que les étrangers eurent vidé la place, l’infanterie des deux armées s’avança de part et d’autre en bon ordre, excepté la réserve d’Annibal qui ne bougea pas. Les hastaires formaient une ligne pleine, ayant resserré les intervalles des manipules ; le corps des douze mille étrangers fit pleuvoir sur eux une grêle de pierres et de traits, qui les incommoda beaucoup malgré leur armure, et les arrêta.

C’était le moment où les Carthaginois de la seconde ligne devaient marcher pour seconder la première. Toutefois, les étrangers ne se voyant pas soutenus, et les hastaires revenant à la charge, la première ligne d’Annibal recula, mais sans désordre, toujours dans l’espérance d’être appuyée.

La frayeur s’était emparée des nouvelles milices. Les étrangers, pressés par les Romains, se maintinrent encore sans rompre les rangs, jusqu’à ce qu’enfin s’imaginant que ces lâches trahissaient leur propre cause, ils tournèrent le dos aux hastaires et tombèrent sur les Carthaginois.

Annibal qui, de sa troisième ligne, voyait l’infâme conduite de ses compatriotes, les envoya prévenir que s’ils ne tenaient ferme, il les ferait charger et massacrer. On vit alors le désespoir et la honte changer ces lâches en furieux. Ils s’unirent aux étrangers, et reçurent les hastaires avec tant de vigueur, que malgré la confusion de l’attaque, ils les forcèrent de plier. C’en était fait des hastaires, si les princes qui suivaient, ne se fussent trouvés de suite à portée de les secourir.

Cet élan ne dura pas, comme on pouvait s’y attendre. Aussitôt que les manipules des princes s’approchèrent, la frayeur troubla de nouveau les Carthaginois ; ils entraînèrent les étrangers dans leur fuite, et auraient culbuté la réserve, si, en leur présentant ses piques, elle ne les avait forcés de s’écouler le long du front.

Annibal ne bougeait pas encore. Scipion pénétra qu’il attendait que la poursuite des fuyards emportât les Romains au point de ne pouvoir se rallier assez à temps pour parer le choc qu’il leur préparait avec l’élite de son armée. Aussi dès qu’il vit les deux lignes rompues, Scipion rappela ses soldats, et sut profiter habilement de cet instant de désordre pour faire de nouvelles dispositions.

Le carnage avait été grand. Le général romain fit enlever, par ses vélites, les morts et les blessés qui pouvaient gêner ses manœuvres, et s’occupa de former une ligne pleine.

Il mit les hastaires devant le centre des Carthaginois. Ils étaient sans intervalles, en forme de phalange, Scipion ne put faire enchâsser la seconde ligne dans la première ; mais les princes se serrèrent aussi, et vinrent joindre, en deux parties égales, les manipules des hastaires, pour les continuer et en former les ailes. Les triaires firent la même manœuvre par rapport aux princes, et s’aboutèrent à leur droite et à leur gauche, De sorte que Scipion eut toute son armée sur une seule ligne, les hastaires au centre, la moitié des princes est des triaires de chaque côté.