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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/144

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Vingt mille périrent sur le champ de bataille, cinq mille fuyards tombèrent au pouvoir des vainqueurs, et six mille autres se retirèrent dans la ville de Pydna où ils se rendirent. Ce fut par suite de ce combat, regardé comme le dernier soupir de la phalange, que Polybe vint à Rome.

Après les batailles des Cynocéphales et de Pydna, Rome marcha rapidement à la conquête du monde. Antiochus qui défendit l’Asie pendant plus de deux ans, avait été défait par Scipion l’Asiatique ; la troisième guerre punique venait de se terminer avec la destruction de Carthage ; les Grecs s’efforçaient en vain de conserver leur liberté si glorieusement acquise. Toutefois, la science militaire ne fit plus aucun progrès qui mérite d’être cité.

Ce n’est pas que les Romains n’eussent encore de grands capitaines à la tête des armées ; il s’écoula même un période remarquable entre Marius et César. Mais on ne rencontrait plus de généraux capables d’instruire dans le grand art de la guerre, comme on le vit en combattant Pyrrhus, Xanthippe, Asdrubal, Annibal, et même Philippe et Antiochus.

Il faut déplorer sans doute les coups funestes que tant de personnages illustres portèrent alors à la liberté de leur patrie ; ôtez cependant cette soif du pouvoir qui tourmente les âmes les plus généreuses, vous trouverez des hommes désintéressés, équitables ; des soldats sobres et intrépides ; vous reconnaîtrez enfin qu’ils eurent des partisans qui les chérirent pour eux-mêmes, indépendamment de l’esprit de faction. Qui ne sait combien les légions de Sylla lui étaient dévouées ! Marius fut l’idole du peuple ; Pompée bien long-temps captiva Rorne entière ; César acquit l’admiration de l’univers.

Où peut condamner tout ce que la politique des Romains eut de perfide à l’égard des nations étrangères ; mais on admirera toujours leur grand caractère, leur conduite prudente, et ces maximes invariables dont ils ne s’écartèrent jamais. Ils se montrèrent surtout habiles à flatter les passions des autres peuples, à les diviser entre eux, à les attirer par l’espoir d’obtenir, avec l’influence de Rome, ce qu’ils ne pouvaient espérer de leurs propres moyens.

C’est ainsi que les Romains détachèrent les Grecs d’Europe et d’Asie, des rois de Syrie et de Macédoine. Ils montraient à ces petites républiques le retour de leur antique liberté ; mais à peine eurent-ils subjugué les deux monarques, que la Grèce fut réduite en province romaine. On voit aussi le sénat refuser, pendant vingt-cinq ans, son arbitrage dans les démêlés de Carthage avec le roi de Numidie. Ce corps politique entrevoit le moment où cette ancienne rivale doit être suffisamment affaiblie par les continuelles usurpations de Massinissa ; il attaque alors Carthage, la détruit, et s’empare ensuite de la Numidie.

Tous les grands hommes que produisit la république, doués de qualités très diverses, et de caractères peu ressemblans, se rapprochèrent dans un point : l’orgueil du nom romain, et le désir d’en étendre la puissance. Ce fut par cette conformité de vue et d’esprit, par cette réunion des moyens et des talens vers un même but, que le sénat, le peuple, les généraux et les armées concoururent à la confection de l’édifice majestueux qui fera l’admiration de tous les siècles. Les citoyens aimaient la patrie avant eux-mêmes ; et, si quelques-uns eurent la noble ambition de s’élever au-dessus de leurs semblables, c’est que rien ne leur paraissait plus