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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/156

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bâti la ville d’Arles, à sept lieues de l’embouchure du fleuve.

Les Cimbres revenaient alors de l’Espagne : ils y avaient trouvé les Romains. Marcus Fulvius, plus heureux que les cinq consuls des Gaules, repoussait les Barbares, à la tête des Celtibères. L’Espagne était plus peuplée, plus aguerrie, plus respectable que notre pays.

Marius voulait arrêter les Teutons au bord du Rhône, à leur passage, comme Scipion avait eu dessein d’en agir autrefois envers Annibal et les Carthaginois. En les attendant, il fit enlever des sables et des graviers qui embarrassaient les embouchûres du fleuve, et creusa un canal, afin que les barques pussent arriver jusqu’à son camp.

Les Barbares s’avançaient divisés en plusieurs troupes, ravageant une grande quantité de pays. Les Cimbres se portèrent vers le Nord, et traversèrent la Germanie pour descendre en Italie par les Alpes Noriques. Les Teutons et les Ambrons marchaient plus près de la Méditerranée, et voulaient gagner le pays des Allobroges : ils trouvèrent les légions de Marius. Enhardis par la défaite des cinq consuls, Silanus, Cassius, Scaurus, Mallius et Cœpion, ils bravèrent le sixième, et vinrent l’insulter jusque dans ses retranchemens.

Ils étaient d’une haute stature, et intimidaient au premier abord. Mais leur ignorance dans la tactique, et surtout leur indiscipline les rendaient bientôt méprisables.

Marius le sentit et resta dans son camp, afin de familiariser les soldats romains avec l’aspect et les manœuvres de ces Barbares. Sachant bien que les choses auxquelles on n’est point accoutumé paraissent toujours plus terribles, dit Plutarque, tandis que l’habitude empêche de trouver dangereuses celles qui le sont véritablement.

Le consul avait sous ses ordres Sylla et Sertorius. Sylla fut chargé de contenir les Tectosages qui, malgré leur défaite, étaient toujours plus disposés à se joindre aux Teutons qu’à plier sous la loi romaine. Il les attaqua et prit un de leurs chefs.

Sertorius, qui depuis trois ans, faisait la guerre dans les Gaules, avait un peu appris le jargon des naturels du pays. Il revêtit la saie, et se mêla parmi les Ambrons et les Teutons. Tout ce qu’il en dit à son retour, et le mépris qu’il témoignait pour eux, contribua beaucoup à rendre aux soldats romains le désir de les combattre.

Marius ne le permit point encore. Il laissait les ennemis se consumer en vains efforts autour de ses retranchemens. Ces barbares, incapables de les forcer, s’en éloignèrent enfin, insultant aux soldats et au consul, et leur demandant s’ils ne voulaient rien faire dire à leurs femmes.

Ces plaisanteries grossières n’engagèrent point Marius à changer son plan. Il suivit toutefois ces Barbares, mais avec circonspection, depuis les bords du Rhône jusque dans la plaine où Sextius avait bâti la ville d’Aix, et les y défit entièrement. Il en tua plus de cent mille, saisit les chariots, les bagages, les chefs même, entre autres Teutobochus, espèce de géant très considéré parmi ces hordes. (An 652 de Rome ; 102 av. notre ère.)

Marius gagna cette bataille au moyen d’une ruse très simple qui rappelle les premiers combats d’Annibal en Italie. Informé qu’il se trouve au-delà du camp de l’ennemi des creux et des ravins couverts de bois, le consul envoie Claudius Marcellus avec trois mille fantassins pour prendre les Barbares à dos. Marcellus attentif à ce qui se passe, saisit l’instant favorable et tombe sur