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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/161

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Ce plan de conduite lui réussit, et dès le troisième jour, venant visiter les ouvrages, les soldats demandèrent hautement qu’on les menât à l’ennemi. « Ce cri, leur dit Sylla, est moins celui du courage que l’effet de la paresse ; cependant, s’il est vrai que vous ayiez tant d’ardeur et de zèle, armez-vous, et allez vous saisir de ce poste. » Il leur montrait une hauteur située au confluent de la Céphise et de l’Assus. Cette colline, bordée de chaque côté par deux rivières, très escarpée dans presque toute la largeur du front par lequel on pouvait y arriver, offrait un terrain excellent pour une armée très inférieure et sans confiance.

Archélaüs avait déjà fait partir des troupes pour s’en emparer ; les Romains y volent à l’ordre de Sylla, et s’y établissent. Archélaüs n’espérant pas de pouvoir les en chasser, quitte la position qu’il avait prise, et marche vers Chalcis, dans le dessein de piller Chéronée sur son passage ; car cette ville, ainsi que toute la Béotie, était alors dans le parti des Romains.

La dissention allumée parmi les chefs de l’armée d’Archélaüs, permettait de n’en pas craindre des opérations considérables ; le consul les fit observer par Murena qu’il laissait dans le camp avec une légion et quelques cohortes. Quant à lui, prenant le reste des troupes, il longea la rivière de Céphise, et s’avança vers Chéronée, afin d’en retirer une légion qu’il avait envoyée dans l’intention de protéger la ville ; Sylla voulait aussi reconnaître le mont Thurium occupé par les soldats d’Archélaüs. C’était une montagne escarpée, d’un accès difficile ; une petite rivière coulait à ses pieds.

Deux Chéronéens vinrent offrir de déloger les ennemis de ce poste, si on voulait leur donner quelques soldats. « Nous connaissons, dirent-ils à Sylla, un sentier qui conduit sur la cime du mont, d’où l’on peut dominer les ennemis, et les écraser ensuite, en faisant rouler sur eux des pierres. » Le général romain, qui ne doutait pas de leur fidélité, accorda ce qu’ils demandaient, et vint ranger son armée en bataille.

Il mit sa cavalerie aux deux ailes, se réserva la conduite de la droite, et donna la gauche à Murena. Mais voyant qu’Archélaüs, dont le front était très étendu, jetait beaucoup de cavalerie et d’infanterie légère sur sa droite et sur sa gauche, il jugea que le général de Pont voulait attaquer brusquement ses flancs et ses derrières, lorsque le combat commencerait à s’engager. Pour y remédier, Galba et Hortensius, qui commandaient la réserve composée de quelques cohortes, eurent ordre de s’embusquer au pied des montagnes.

Cependant les deux chéronéens, suivis du tribun Hirtius et des troupes qui lui étaient confiées, ayant paru sur le sommet du mont Thurium, les Barbares, campés un peu au-dessous, prirent l’épouvante. Hirtius les poursuivit vivement. Il en périt dans cet endroit environ trois mille ; et de ce qui put se sauver, les uns vinrent donner dans la gauche des Romains, commandée par Murena, qui en fit un grand carnage ; les autres se rejetèrent sur le gros de leur armée, et y portèrent le désordre et la terreur dont ils étaient saisis.

Sylla voulut profiter de ce moment pour joindre Archélaüs. Racourcir l’espace qui l’en séparait, c’était rendre inutile les chariots armés ; cependant le général de Pont les fit partir, selon l’usage ordinaire. Mais ces machines, qui n’étaient dangereuses qu’à quelque distance, par les degrés de vitesse et de force qu’elles acquéraient en parcourant un terrain d’une certaine étendue, excitèrent la risée des Romains, qui ou-