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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/174

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thridate devinrent inutiles devant le courage des assiégés.

À mesure que la saison avançait, la mer devenait impraticable, et les convois arrivaient plus rarement. Dans cette extrémité, Mithridate renvoya la plus grande partie de sa cavalerie, corps qui consomme toujours beaucoup de subsistances, et devient souvent de peu d’utilité devant une place. Il fit partir aussi les troupes d’infanterie qui avaient le plus souffert, leur ordonnant de prendre des chemins détournés pour se rendre dans le Pont et dans la Bithynie.

Le roi avait choisi le moment où Lucullus s’était absenté pour une expédition particulière. Mais à peine le général romain reçoit-il avis de ce mouvement qu’il revient le même jour, prend dix cohortes avec toute sa cavalerie, et part avant le lever du soleil pour suivre les détachemens ennemis. La neige tombait en abondance, et le froid était si vif que plusieurs soldats périrent pendant la route.

Malgré ces obstacles, Lucullus atteignit les troupes de Pont au moment où elles se disposaient à passer le fleuve Rhyndacus. Il en fit un carnage horrible, prit six mille chevaux, un grand nombre de bêtes de charge, et ramena avec lui quinze mille prisonniers. (An 681 de Rome ; 73 av. notre ère.) Les autres généraux du roi n’avaient pas été plus heureux.

L’armée de siége ne recevait plus de convois. La famine y devint si grande que l’on fût réduit à manger de la chair humaine. La peste et toutes les maladies contagieuses, suites funestes mais inévitables de l’extrême disette, firent périr une quantité prodigieuse de soldats. Les Cyziniens, qui voyaient combien l’ardeur des ennemis, était ralentie, faisaient des sorties fréquentes, brûlaient les machines, et, d’assiégés qu’ils étaient, semblaient devenir assiégeans.

Le roi reconnut qu’il s’était obstiné trop long-temps à cette entreprise, et ne s’occupa plus que des moyens de lever le siége, avec les chances les moins défavorables. Pour amuser l’ennemi, il chargea Aristonic, qui commandait la flotte, de croiser sur les côtes, et d’engager les Romains à déserter à force d’argent. Aristonic alla sur-le-champ se rendre à Lucullus, soit volontairement, soit qu’il y fût contraint par ses propres troupes.

Malgré cette défection, Mithridate était encore le maître de la mer. Ce prince fit partir trente mille hommes, sous la conduite d’Hermée et de Marius, et les dirigea sur Lampsaque. Pour lui, il monta sur sa flotte avec le reste des troupes, afin de gagner l’île de Paros. Plusieurs vaisseaux, qui ne pouvaient contenir la foule qui s’y précipita, furent submergés.

Les trente mille hommes, commandés par Hermée et Marius, souffrirent encore davantage. Lucullus les suivit de près, les attaqua lorsqu’ils s’efforçaient de franchir le fleuve Æsepus, que les pluies avaient fait déborder, les battit, et en tua vingt mille, si l’on s’en rapporte à Memnon qui est sujet à grossir les objets. Le reste se sauva dans Lampsaque. Polyen parle d’un stratagème que les généraux de Mithridate employèrent pour retarder la poursuite de l’ennemi : ce fut de laisser dans les chemins, à diverses distances, une partie des effets précieux.

Après avoir donné l’ordre de faire le siége de Lampsaque, Lucullus revint à Cyzique, où il fut reçu avec tous les transports imaginables de joie et de reconnaissance, Mithridate rassembla le plus de vaisseaux qu’il put, vint chercher les débris de son armée, distribua dix mille hommes sur cinquante-