Aller au contenu

Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
— 175 —

avaient ôté que ses états, sans rien diminuer de sa grandeur. Tous les cœurs s’ouvraient au moindre rayon d’espoir qu’entrevoyait Mithridate de relever sa puissance, et chacun s’empressait alors de le secourir.

Pour ne rien perdre du temps si précieux à la guerre, Mithridate marche contre Fabius, qui commandait dans la Petite-Arménie. Le Romain vient à sa rencontre. Son avant-garde était composée de Thraces qui avaient longtemps servi sous le roi, et qui conservaient pour lui cette affection que le héros commandera toujours. Ils firent un faux rapport à Fabius, qui se trouva en présence de Mithridate au moment qu’il y songeait le moins. Le combat s’engage, les Thraces passent dans l’armée du roi, et les Romains sont battus.

Dans une situation si fâcheuse, Fabius a recours au remède que les républiques employaient souvent avec succès dans les cas désespérés ; il donne la liberté aux esclaves, les reçoit dans ses rangs, et engage un second combat. L’action dure un jour entier avec un égal avantage de part et d’autre ; on se prépare pour le lendemain. Mais déjà Mithridate a suivi l’exemple de son adversaire, il arme aussi les esclaves, et ce nouveau renfort, tout faible qu’il pouvait être, rétablissant sa première supériorité, la victoire se décide en sa faveur.

C’en était fait de Fabius lorsque Mithridate, qui, malgré son grand âge, combattait toujours aux premiers rangs, reçut deux blessures considérables. Le danger du roi suspendit l’ardeur de la poursuite, et Fabius en profita pour se retirer dans Cabire, avec tout ce qu’il put rassembler des débris de son armée.

Le roi, dès qu’il fut rétabli, alla mettre le siége devant cette place. Il aurait pris son adversaire si Triarius, qui, sur l’ordre du consul, allait le rejoindre dans l’Arménie, n’avait appris le danger de son collègue. Le prince, mal instruit des forces de Triarius, crut voir arriver l’armée romaine tout entière ; il leva le siége pour chercher un poste plus avantageux.

Mithridate avait mis l’hiver à profit ; son armée semblait capable d’exécuter les grands projets que nourrissait son âme inquiète ; il va se placer vis-à-vis du camp de Triarius, et lui présente la bataille avant que Lucullus soit venu opérer sa jonction.

Triarius reste ferme d’abord, et ne veut point se commettre à une action générale ; mais le roi ayant fait un détachement pour assiéger un château où se trouvaient les bagages des légionnaires, il n’y eut plus moyen de contenir les soldats. Les deux armées se rangèrent en bataille ; une tempête épouvantable, qui renversait les hommes et les chevaux, empêcha cependant les troupes d’en venir aux mains.

Lucullus approchait ; Triarius ne risquait plus rien d’attendre. L’orage avait été pour lui l’événement le plus heureux, et pour Mithridate un de ces accidens imprévus qui lui arrachaient toujours la victoire au moment où elle semblait ne pouvoir lui échapper. Cependant l’inexpérience de Triarius l’emporta sur la mauvaise fortune du roi.

Ce général ayant fait attaquer les retranchemens de Mithridate à la pointe du jour, le roi de Pont enfonça l’aile des Romains qu’il avait en tête, et la poussa dans un bourbier où l’infanterie périt presque entièrement sans pouvoir combattre. La cavalerie, n’étant plus soutenue, prit la fuite, et le prince la poursuivait vivement lorsqu’il fut blessé.

Les généraux de Pont sonnèrent la retraite, au grand étonnement des trou-