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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/207

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père ; le mécontentement qu’il en ressentit lui fit désirer une révolution. Orgetorix engagea dans le même dessein Dumnorix, qui jouissait d’un grand crédit chez les Ædues, autre peuple, séparé des Sequanes par la Saône.

Les Ædues, qui passèrent long-temps pour la nation la plus considérable de la Celtique, avaient fait alliance avec Rome depuis plus d’un siècle. Leur premier magistrat était élu tous les ans comme les consuls, et portait le titre de Vergobret. Deux factions affaiblissaient alors ce peuple. Dumnorix, placé à la tête de celle qui ne voulait point l’alliance de Rome, avait épousé la fille d’Orgetorix, roi des Helvètes, et cette alliance, que venait de renforcer Casticus, fit supposer que l’on parviendrait à soumettre les Gaulois.

Les Helvètes devaient marcher les premiers. Ils engagèrent dans la ligue les peuplades qui habitaient les bords du Rhin, depuis l’endroit où est Bàle jusqu’à Colmar et Brisach. Ils invitèrent même les Boïes à les suivre, non ceux qui habitaient près de l’Éridan, mais une horde de cette nation qui s’était établie au-delà du Danube en Germanie dans un canton nommé depuis par corruption la Bavière. Si la Germanie, avait été peuplée, les Boïes, séparés des Helvètes par plusieurs nations, n’eussent pu se liguer avec eux dans un tel dessein.

Les Helvètes voulaient bien faire des courses, mais ils n’entendaient point se donner un maître. Orgetorix, accusé de concevoir un projet qui tendait vers ce but, fut contraint de se justifier. Il mourut, ayant tranché lui-même le fil de ses jours, comme on le suppose.

Cette catastrophe ne changeait rien aux premières dispositions. Depuis deux ans on rassemblait beaucoup de chariots ; la terre se trouvait plus ensemencée que de coutume ; car on ne cultivait pas tous les champs.

Cette surabondance de vivres n’avait pu néanmoins en procurer que pour trois mois à la confédération. Prêts à partir, nos aventuriers brûlèrent douze de leurs petites villes, avec quatre cents villages, et se donnèrent rendez-vous au bord septentrional du Rhône.

César, instruit de tout, posa son camp sur la rive méridionale de ce fleuve, long-temps avant que les confédérés fussent rassemblés. Il entra dans une ville des Allobroges que l’on nommait déjà Genève. Elle avait un pont sur le Rhône ; César le fit rompre.

Les Helvètes lui envoyèrent demander la permission de passer, et promirent de ne faire aucun ravage, leur dessein n’étant point d’occuper les terres de la république, mais de traverser la Gaule pour s’établir sur le territoire des Santons (la Saintonge).

Non moins prudent qu’actif, César, qui n’avait qu’une légion, diffère de leur répondre, renvoie les députés, et leur assigne un jour pour les instruire de sa volonté. Mais, il emploie ce temps à rassembler des soldats, et fait construire un retranchement avec un rempart de seize pieds d’élévation. Ces travaux suivaient les sinuosités du Rhône, et fortifiaient sa rive gauche dans un espace de six lieues, depuis l’endroit où le fleuve sort du lac jusqu’à celui où il se creuse un lit étroit et profond entre les dernières sommités du Jura[1].

Irrités du refus de César, qui s’expliqua enfin sans détour dès qu’il se vit assez fort pour ne pas les craindre, les Helvètes tentèrent vainement de forcer ces ouvrages. Leurs efforts pour traverser le lac sur des radeaux et des barques ne furent pas plus heureux ; la

  1. Voyez l’Atlas.